Claude DEBUSSY
«Printemps», suite symphonique pour orchestre, L 61
Orchestre de la Suisse Romande
Ernest ANSERMET
6 mai 1959, grand studio de Radio-Genève
Ce sont les doux paysages de la Renaissance, et en particulier «La primavera» de Botticelli, qui inspirèrent à Claude Debussy la suite symphonique «Printemps», composée à Rome début 1887, pendant le séjour du compositeur à la Villa Médicis.
Dans une lettre au libraire Émile Baron du 9 février 1887, le compositeur précisait notamment: "[...] non plus le printemps pris dans son sens descriptif, mais le côté humain. Je voulais exprimer la genèse lente et souffrante des êtres et des choses dans la nature, puis l’épanouissement ascendant et se terminant par une éclatante joie de renaître à une vie nouvelle. [...]" cité d'après le livret du CD 1C1173 de Timpani-records
Conçue pour orchestre avec piano à 4 mains et choeur vocalisant (sans paroles), cette première oeuvre orchestrale connue du musicien (si l'on excepte une Symphonie en si bémol, de 1880) fut écrite d’un trait comme «envoi de Rome» à soumettre à l’approbation de l’Académie des Beaux-Arts, conformément aux modalités du Prix de Rome. Mais les membres de l'Institut, déplorant son «impressionnisme vague», refusèrent de l'inscrire au concert traditionnel d'«envois de Rome». Debussy reprit sa partition, qui ne fut publiée qu'en 1904 dans une réduction pour piano, puis considérablement remaniée. La version originale avec choeurs resta inédite: elle aurait été détruite dans un incendie chez le relieur.
Debussy n'appréciant guère son «Printemps», la version orchestrale ne fut reconstituée qu'en 1912 par Henri BÜSSER sous l'étroite supervision de Debussy, à partir de la version pour piano à quatre mains de 1904. Elle intègre la partie de piano initiale, et répartit les anciennes parties chorales entre divers instruments. "[...] L’ouvrage fut assez sévèrement critiqué dans le rapport officiel de Henri Delaborde, le secrétaire de l’Académie des Beaux-Arts: sa quête de coloris musicaux y était considérée comme excessive, et le compositeur fut mis en garde contre son vague «impressionnisme», terme utilisé ici pour la première fois de façon péjorative pour parler de sa musique. Selon le rapport, le premier mouvement, décrit comme une sorte d’Adagio Prélude, était confus, et le second incohérent. Le verdict fut que Debussy pouvait mieux faire. [...]" cité d'un texte de Keith Anderson, dans une traduction de David Ylla-Somers, publié en 2011 dans le livret du CD Naxos 8.572583.
La première audition de cette 2e version fut donnée le 18 avril 1913 à Paris, Société nationale de musique, sous la direction de Rhené-Baton. La première édition date de mai 1913, chez Dunand, Paris.
Sur cette oeuvre, Harry Halbreich écrit:
"[...] Bien qu’intitulé «Suite symphonique», «Printemps» ne comprend que deux mouvements, le premier modéré, le second plus vif.
Le premier, Très modéré, à 9/8 est une très libre forme ternaire dont le premier thème nourrira toute la partition. Il chante, berceur, en fa dièse majeur, et l’on notera la couleur très spéciale que donne le piano, doublant la flûte, puis le hautbois. Très vite, c’est l’enivrement des accords de neuvième. Une grande bouffée de passion romantique (Chaleureux) mène au deuxième thème, voisin du premier par la tonalité de fa dièse et le rythme chantant aux cordes seules avec une tendresse proche de Borodine, si présent chez le jeune Debussy. L’expression s’échauffe, le tempo s’anime, jusqu’à ce qu’un étourdissant glissando de tout l’orchestre ramène le thème initial, à présent en ut majeur, antipode de fa dièse, réinstallé à l’issue d’un appassionato. Le deuxième thème, à son retour, se remarque à peine: dans cette musique, tous les dessins mélodiques, tous les événements semblent noyés dans les feuillages et la lumière; c’est vraiment une forme sonate «mangée» par l’impressionnisme!
Le second mouvement est encore plus beau et plus libre en six sections. La première enchaîne avec ce qui précède, puis, soudain, voici un joyeux appel du cor, auquel répond tout aussitôt l’éclaboussement de lumière du piano, de la harpe et des pizzicati, appel au réveil printanier. Une gradation modulante nous dirige vers le ton (ré majeur) et le tempo (Allegro non tanto) principaux du morceau, atteints ensemble: l’introduction est terminée. La deuxième section fait revenir le thème principal du premier mouvement, mais chargé de rythme et de tonalité. Dans l’éclat joyeux des cors, il se développe en un climat d’allégresse croissante. Un bref intermède Scherzando mène au thème le plus mémorable de ce Finale, joyeux cortège bachique dont les notes répétées rappellent Chabrier mais également le Ballet de la Petite Suite de Debussy lui-même. Sa progression est interrompue par un bref Andantino, rappel chantant et expressif du premier mouvement, aux cors et violoncelles. Le cortège reprend, superposant les deux thèmes, puis ce cortège émerge seul en pleine gloire, aboutissant à une apothéose du thème du début, précédant la conclusion endiablée et ivre de soleil. [...]" cité d'un texte de Harry Halbreich publié en 2011 dans le livret du CD 1C1173 de Timpani-records.
Ce mercredi 6 mai 1959, le traditionnel concert du mercredi soir fut donné dans le grand studio de Radio-Genève (ce studio existe depuis les années 1930, Ernest Ansermet y a donné un très grand nombre des concerts radiodiffusés organisés par Radio-Genève. En 1970 le studio fut rebaptisé en «Studio Ansermet»).
Le Grand Studio de Radio-Genève, OSR et Ernest Ansermet
À cette époque, il était hélas assez habituel de ne conserver l'enregistrement qu'en coupant les applaudissements de la fin: c'est pourquoi cet enregistrement de «Printemps» se termine assez abruptement.
Voici donc...
Claude Debussy, «Printemps», suite symphonique pour orchestre, L 61, Orchestre de la Suisse Romande, Ernest Ansermet, 6 mai 1959, grand studio de Radio-Genève
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