À gauche, portraits de Manuel de FALLA et à droite, portraits d'Ernest ANSERMET - Cliquer sur les photos pour voir leurs agrandissements - resp. les originaux - et leurs références.
Manuel de FALLA
Suites No 1 et 2 du Tricorne
Orchestre Symphonique de la NHK
Ernest ANSERMET
30 mai 1964, Tokyo
Le Tricorne - «El sombrero de tres picos» - est un ballet composé par Manuel de Falla: fasciné par la diversité des ballets proposés à Paris depuis le début du XXe siècle, Falla transforma son mimodrame (El Corregidor y la molinera – Le Magistrat et la meunière) en une chorégraphie sur des thèmes andalous. L'oeuvre fut donnée en première par les Ballets russes de Serge de Diaghilev le 22 juillet 1919 à l'Alhambra de Londres, sous la direction d'Ernest Ansermet; le rôle de la meunière était dansé tour à tour par Mme Karsavina et par une gitane authentique, qu'on appelait Maria d'Albaicin, celui du meunier par Massine, celui du Corregidor par Woidzikowsky. Un autre danseur était ce jeune Andalou qui une nuit, pris de folie mystique, pénétra dans la chapelle de St Martins Lane pour danser devant l'autel. Les décors et costumes étaient de Picasso.
Voici comment Ernest Ansermet présenta l'oeuvre dans la brochure-programme du concert donné le 9 décembre 1933 au Grand-Théâtre de Genève, avec une «nouvelle suite» des «Scènes et Danses du Tricorne» terminant le concert:
"[...] Le titre espagnol «El Sombrero de tres picos» indique, mieux que ce sec raccourci de «Tricorne» le ton d’élégance altière et noble, l'espèce de «grandeza» ou de superbe qui règne, mêlée de saveur populaire, dans le ballet dont nous détachons une scène. Quand Falla n'a pas à recourir au folklore c'est au XVIIIe siècle et aux danses de cour qu'il emprunte ici ses formes.
On est sur une esplanade donnant accès à un moulin et ombragée par une pergola couverte de vigne, par un bel après-midi d'été. La belle Meunière et le Meunier vaquent à de petites besognes et se font de câlines plaisanteries. Une jolie fille, qui passe, à belle allure, fait au meunier une oeillade qui amène une protestation de la meunière.
Mais voici le Corregidor (le maire), claudicant et bossu, mais s'avançant avec majesté et disposé à la galanterie. C’est l’homme au Tricorne. Le meunier et la meunière se rient de lui en se faisant des protestations de fidélité; le meunier disparaît tandis que la meunière se met à danser une fandango, feignant de ne pas voir l’intrus qui la contemple avec admiration. Subitement elle se trouve devant lui, feint la surprise et l'effroi et termine brusquement sa danse. Le corregidor s avance en minaudant (basson solo ), la meunière répond en grandes révérences, puis lui présente une grappe de raisin; mais comme il veut baiser la main qui la lui tend, elle la retire et une course folle commence, qui finit par la chute du corregidor, les quatre fers en l'air. Le meunier est accouru, se met en devoir avec son épouse de ramasser en le secouant rudement, le noble personnage, qui s'éloigne confus et furieux. Le meunier et la meunière dansent de joie, et inattentifs au signe d'un alguazil (solo de trompette) que... «la tête n'est pas finie», reprennent de concert le fandango.
Il y a dans ces pages du Tricorne une faculté formatrice, ou si l’on veut, une liberté et une souplesse d'expression, malgré une grande retenue et un extrême souci de style, bien rare dans la musique d'aujourd'hui.
La qualité de Falla, par rapport aux compositeurs espagnols venus avant lui , a été de tirer de la musique de son pays non seulement des images poétiques, mais les racines d'un langage expressif. [...]"
Falla réalisa deux suites symphoniques qui présentent les pièces purement orchestrales du ballet: le programme de ce concert mentionne seulement une «nouvelle suite» des «Scènes et Danses du Tricorne»: il est fort possible qu'il s'agissait de la 2e suite, Ernest Ansermet ayant donné à Genève la première audition de la Suite No 1 le 6 mars 1926:
"[...] Les trois danses empruntées au ballet le Tricorne sont:
a) Les Voisins (danse générale inspirée par la Sévillane).
b) Danse du Meunier (style flamenco typique, acccompagnant cette danse masculine violente et acrobatique qu’on appelle la farrucca)
c) Danse finale (basée sur un motif original de jola pesante).
Le motif de ces danses, d’ailleurs, importe peu. L’essentiel est de remarquer que malgré la simplicité de leur ligne mélodique et de leur forme, elles ne se réduisent ni les unes ni les autres à de simples invitations au mouvement, individuel ou collectif, et que leur qualité expressive fait de chacune d'elles un petit tableau, plein de poésie ou de caractère. [...]" cité de la brochure-programme de ce concert du 6 mars 1926.
En 1964, Ernest Ansermet fut invité à donner sept ou huits concerts au Japon avec l'Orchestre Symphonique de la NHK: cette entreprise gére les stations de radio et de télévision du service public japonais, et - entre autres - finance un orchestre symphonique renommé. Il fut fondé le 5 octobre 1926 sous le nom de «New Symphony Orchestra», rebaptisé plus tard «Japan Symphony Orchestra»; il reçut son nom actuel en 1951, lorsque la NHK en devint le sponsor. Donc une histoire très semblable à celle de l'OSR et de la Radio Suisse Romande.
"[...] D'excellentes nouvelles nous parviennent d'Ernest Ansermet qui dirige en ce moment une série de concerts à Tokio: trois programmes qui se répètent plusieurs fois, avec Mozart, Beethoven, Debussy, Ravel, Strawinsky, Brahms, de Falla et Martinu.
Ernest Ansermet est d'ailleurs loin d'avoir été accueilli comme un inconnu et a pu se rendre compte de la popularité que lui ont value déjà ainsi qu'à son orchestre ses nombreux enregistrements sur disque qui sont très prisés au Japon. Un jeune mélomane est même venu à l'issue d'un des concerts avec 22 disques sous le bras à lui faire signer!
À leur voyage de retour, M. et Mme Ansermet s'arrêteront à Hong-Kong, Bombay et Le Caire. [...]"
L'année suivante, l'Orchestre de la Suisse Romande et Ernest Ansermet auraient dû partir en tournée pour trois semaines au Japon, un projet qui échoua toutefois pour des raisons financières: ce n'est qu'en 1968 qu'il put être réalisé. Un extrait de cette tournée - la Symphonie Fantastique de Berlioz - est paru sur le CD VEL 3143 de Cascavelle, et qui est encore disponible dans la boutique de la RTSR.
Voici donc...
Manuel de Falla, Suites No 1 et 2 du Tricorne, Orchestre Symphonique de la NHK, Ernest Ansermet, 30 mai 1964, Tokyo
1. Introduction et mélodie 02:10 (-> 02:10)
2. Danse de la meunière (Fandango) 02:38 (-> 04:48)
3. Le Corregidor et Introduction 00:55 (-> 05:43)
4. Finale
04:10 (-> 09:55)
5. Les Voisins 03:12 (-> 13:07)
6. Danse du meunier (Farruca) 02:32 (-> 15:39)
7. Danse finale (Jota) 06:12 (-> 21:51)