Franz LISZT
Concerto pour piano et orchestre No 1 en mi bémol majeur, S 124
Dinu LIPATTI
Orchestre de la Suisse Romande
Ernest ANSERMET
Genève, Grand-Théâtre, 6 juin 1947
Pour une courte présentation de l'oeuvre, voir cette page de mon site.
Sur l'interprétation proposée ici, cité du compte-rendu publié le lendemain du concert dans la Tribune de Genève en page 6, un texte d'un ton très pathétique, qui n'est pas sans rappeller certains fléaux actuels:
"[...] Dinu Lipatti et l'O. S. R.
Soirée bien digne de Genève, puisque deux institutions dont, à bon droit, elle s’enorgueillit, Croix-Rouge et O.S.R., y joignaient leurs efforts, pour la défense de ce que cette Europe évanescente conserve de plus précieux et de plus vulnérable: ses enfants, — et des Roumains plus particulièrement — ,que les fléaux de la paix menacent d'exterminer, dans ce qui fut le grenier du continent.
À pareille entreprise, quelle plus belle préface que la riante Symphonie no 1 de Schumann, si bien dite: du printemps, «vert paradis des amours enfantines», où les mélodies s’élèvent comme avec un battement d’ailes, dans une limpidité matinale. Paysage de l’âme sans second sous aucun autre ciel et qui baigne dans la clarté d’on ne sait quelles victoires.
Mais voici des musiques pour grandes personnes seulement. M. Dinu Lipatti fait miroiter de mille feux le Concerto en mi bémol de Liszt, dont les virtuoses ne sont pas près d’abandonner les délectables embûches, ni les auditeurs d’épuiser les plus que centenaires surprises, toujours surprenantes.
Moins aveuglante, la Polonaise de Chopin, que précède le très sensible Andante spianato, déploie, sous les doigts délicats, mais infaillibles du pianiste, ses arabesques irisées. Aux acclamations de la salle, le Nocturne en ré bémol s’y ajoute, pénétrante mélopée, faillie des profondeurs de la tristesse et de la solitude.
Il convenait que de ces sortilèges dénués de toute candeur, l’on retournât, pour achever, au «children-corner», ce qui fut avec Danse infernale, Berceuse et Final de l’étincelant Oiseau de feu de Strawinsky. Mais, cette fois, la féerie et l'innocence sont dans l’objet et non dans le sujet, sorcier roué, qui de sang-froid nous éblouit des tours sans nombre qu’il a dans son sac: lui-même n’est plus de ce monde-là.
La main dans la main, avec une conviction égale et unis par la même foi dans leur art et leur ouvrage, MM. Ansennet et Lipatti ont donné vie à ce riche programme où leur maîtrise hors pair et leur intelligence trouvaient le plus heureux emploi — et le plus généreux. [...]"
Voici donc...
Franz Liszt, Concerto pour piano et orchestre No 1 en mi bémol majeur, S 124, Dinu Lipatti, Orchestre de la Suisse Romande, Ernest Ansermet, Genève, Grand-Théâtre, 6 juin 1947
