Frank MARTIN
Concerto pour violon et orchestre
Hansheinz SCHNEEBERGER
Orchestre du Festival de Lucerne
Ernest Ansermet
1957, Kunsthaus Luzern
(Internationale Musikfestwochen Luzern)
Frank MARTIN composa son concerto pour violon entre mars 1950 et mai 1951, sur une commande de la Fondation «Pro Helvetia», dédiée à Paul SACHER pour le 25e anniversaire de son orchestre de chambre de Bâle. L'oeuvre fut donnée en première audition le 25 janvier 1952 par Paul SACHER et son orchestre, avec Hansheinz SCHNEEBERGER au violon.
"[...] Lorsque j'en ai commencé la composition, je venais de terminer Cinq Chants d'Ariel pour choeur a cappella et j'étais encore tout imprégné de l'atmosphère féerique de cet être immatériel créé par la fantaisie de Shakespeare. C'est ce qui explique le caractère mystérieux de son début. Par la suite, je me suis attaché à donner au violon son véritable rôle de soliste, qui consiste à être un individu qui, soit par l'expression de son chant, soit par la brillance de sa technique, s'oppose à la pluralité de l'orchestre ou s'y joint en le dominant. Mais mon principal souci, tout au long de ce concerto, a été de chercher à établir une construction musicale, une grande forme, qui puisse donner à l'auditeur, à travers des épisodes de caractère varié, le sentiment d'une pensée continue, d'un tout cohérent [...]" Frank MARTIN.
La première à Bâle fut commentée - entre autres - par Jean-Pierre ROBERT dans la Gazette de Lausanne du 4 février 1952, en page 2:
"[...] Célébrant son XXVme anniversaire, l'Orchestre de chambre de Bâle crée des oeuvres de Martin, Hindemith et Petrassi, par Jean-Pierre Robert.[...]
Des trois ouvrages présentés, un surtout se doit de retenir l'attention. Et le plaisir est d'autant plus vif à le proclamer qu'un de nos compatriotes en est l'auteur puisqu'il s'agit du Concerto pour violon de Frank Martin, oeuvre commandée par la Fondation «Pro Helvetia» et dédiée à Paul Sacher.
Jamais encore, sinon peut-être avec la Petite Symphonie concertante, le compositeur genevois ne nous avait donné ouvrage aussi significatif et accompli quant au fond et à la forme. Il nous faudra revenir plus en détail sur ce Concerto, qui mérite à lui seul d'abondants commentaires, et dont on veut espérer que l'O.S.R. — qui le doit présenter ce printemps à Paris — nous le révélera la saison prochaine au concert d'abonnement.
Car il s'agit incontestablement d'une réussite. Une réussite qui tient tout à la fois à la richesse et à la force de sa substance, à l'art avec lequel celle-ci se trouve traitée, à l'authenticité et à la spontanéité d'une musique dont le ton, dénué d'apprêt, revêt un caractère extrêmement personnel, à la finesse enfin d'une écriture qui ne vise à rien d'autre qu'à exploiter au mieux de ses possibilités le matériel sonore auquel le compositeur a fait appel. C'est, si je ne m'abuse, la première fois que Frank Martin écrivait pour le violon concertant. Aussi mon admiration se trouve encore grandie devant l'habileté avec laquelle il a su traiter cet instrument et lui restituer le caractère chantant et expressif qui lui est propre. Car bâti sur des thèmes largement dessinés et d'une inspiration essentiellement lyrique, ce Concerto chante d'un bout à l'autre. Et ce n'est pas l'un des moindres mérites de son auteur que d'avoir su constamment adapter les exigences de sa pensée aux possibilités de l'instrument soliste — dont la partie, soutenue par un orchestre fluide et transparent, demeure en tous instants d'une clarté remarquable — et d'avoir fait fi de ces recherches scabreuses, tant mélodiques que rythmiques, dont la réalisation sonore ne va pas sans mettre généralement, à rude épreuve l'oreille de l'auditeur.
Mais ce n'est pas par ce côté seulement que le Concerto de violon de Frank Martin a droit à notre admiration. C'est aussi — et davantage encore peut-être — par la richesse de sa substance déjà relevée et surtout par la maîtrise avec laquelle le compositeur est parvenu à s'extérioriser et à créer le climat affectif propre à traduire sa pensée et les sentiments qui la nourrissent. Que ce soit dans l'Allegro du début, baignant dans une atmosphère de féerie mystérieuse; dans l'Andante médian qui prend l'aspect d'une méditation sereine et pathétique ou dans le Presto final secoué d'un élan rythmique à l'allure capricieuse, partout se retrouvent à un degré rare les préoccupations d'un musicien sensible qui, concentrant dans son art le meilleur de lui-même, est parvenu à s'exprimer avec une rare intensité expressive. J.-P. R." cité de la Gazette de Lausanne du 4 février 1952, en page 2.
L'oeuvre fut ensuite présentée à Paris dans le cadre des concerts donnés sous l'égide de «L'Œuvre du XXe Siècle», Ernest ANSERMET dirigeant "son" Orchestre de la Suisse Romande dans les concerts du vendredi 16 et du samedi 17 mai 1952: le 16 avec la Symphonie No 5 d'Honegger, «Nobilissima Visione» d'Hindemith, «Sonata di camera» pour violoncelle et orchestre de Bohuslav Martinu (soliste: Henri Honegger) et la «Rapsodie espagnole» de Ravel, puis le lendemain la «Suite en fa» de Roussel, le Concerto pour violon et orchestre de Frank Martin, première audition à Paris, avec Joseph Szigeti et pour terminer «Trois images» de Claude Debussy.
La première audition en Suisse Romande fut donnée à Genève 11 juin suivant, bien entendu par l'Orchestre de la Suisse Romande sous la direction d'Ernest Ansermet, avec Hansheinz SCHNEEBERGER en soliste, voir cette page de mon site.
Une très courte caractérisation des trois mouvements:
Le premier - Allegro tranquillo - "[...] est le plus vaste, – empreint de grâce, de poésie «féerique» (tonalité principale de mi mineur), il ménage une belle cadence solistique avant la lente conclusion phrasée pianissimo par les cordes.
L'Andante qui suit présente un thème sombre des bois, amplifié et sublimé en une puissante gradation dans laquelle le violon s'insère avec pathétisme; un sommet d'intensité semble atteint, lorsque tout reflue à nouveau dans le pianissimo.
Contraste absolu avec le finale, – qui s'envole en quartes ascendantes et donne libre cours au rythme précipité d'une tarentelle propice aux ébats virtuoses du soliste. Lyrisme, passion et fantaisie s'allient remarquablement dans cette partition essentiellement mélodique (beauté intrinsèque de ses thèmes), – dans laquelle le violon connaît plusieurs instants de pur bonheur. [...]" cité du Guide de la musique symphonique de François-René Tranchefort.
Frank Martin, Concerto pour violon et orchestre, Hansheinz Schneeberger, Orchestre du Festival de Lucerne, Ernest Ansermet, 1957, Kunsthaus Luzern (Internationale Musikfestwochen Luzern)
1. Allegro tranquillo -> 13:25
2. Andante molto moderato -> 22:22
3. Presto -> 29:11
Applaudissements, désannonce -> 33:59
C'est grâce à la générosité de la SRG / SSR que nous pouvons - par l'intermédiaire de l'excellent site neo.mx3.ch - écouter ce remarquable document, embarqué ici en iframe:
Provenance: Radiodiffusion, neo.mx3.ch.