À propos des circonstances de la genèse des première et seconde sonates pour violon et piano - Sz 75 et 76 - de Béla Bartòk voir cette page de mon site consacrée à la première sonate.
Sur la seconde sonate, cité des excellentes notes de László SOMFAI (traduction de Péter BARTA) publiées en 2012 chez Hungaroton Records:
"[...] La première de la Sonate No 2, composée de juillet à novembre 1922, se fit elle aussi sans Jelly d’Arányi. En février 1923, Bartók l’avait déjà exécutée à Berlin avec Imre Waldbauer, à Budapest avec Ede Zathureczky, en avril aux Pays-Bas avec Zoltán Székely avant d’arriver à Londres en mai pour y tenir la représentation du morceau avec Jelly d’Arányi. L’année suivante à Bucarest, c’était Enesco qui a joué la composition aux côtés de Bartók. [...]
En ce qui concerne la conception artistique, les Sonates pour violon et piano No 1 et No 2 sont des jumelles, ce qui n’est point rare dans l’atelier de Bartók (voir les Concertos pour piano No 1 et No 2, les Quatuors à cordes No 4 et No 5, etc.), mais avec d’importantes différences au niveau de la structure et du sens. Les différences extérieures – au lieu de trois mouvements, une forme de deux mouvements entreliés sans pause la deuxième fois, une matière condensée et plus courte de près de dix minutes – proviennent du contenu. Alors que la Sonate No 1 présente en tant que mouvements bien tranchés et juxtaposés la poésie de soi expressive et la nouvelle fantaisie de danse bartókienne modelée à l’instar de la musique paysanne, les deux s’incarnent dans la Sonate No 2 de façon intégrée dans une unique chaîne de réflexion musicale.
Contrairement aux traditions, la Sonate No 2 ne commence ni par un mouvement rapide, ni par une introduction lente préparant le mouvement principal rapide, mais à la manière d’une improvisation. Au-dessus d’une voix basse de piano, le violon se saisit d’un motif et commence à en faire des variations. Cela donne l’impression d’une véritable musique archaïque, sans mesure ou tempo fixes, pourtant d’une force expressive extraordinaire. Bartók a entendu de telles musiques plusieurs fois pendant ses collectes. C’est justement avant et pendant la composition des sonates qu’il a travaillé sur ses premiers grands traités descriptifs et systématisateurs d’ethnomusicologie (sur les tomes au sujet de la musique paysanne de Máramaros, la chanson populaire hongroise et la musique populaire slovaque). Entre autres, c’est alors qu’il a élaboré la description de l’hora lungă, la chanson longue de la musique populaire roumaine, un prototype quasiment international, basée sur la variation-ornamentation d’une mélodie ancienne.
De l’aspect de la psychologie de la création, c’était le moment où il était presque naturel que Bartók lui-même compose et varie des liserons mélodiques ressemblant à l’hora lungă pour qu’en décortiquant le caractère national des musiques populaires, les leçons à en tirer soient dévoilées simultanément. Au-delà de la Sonate No 1, mais en deçà de l’approchement de musique quasiment programmatique de la Suite de danses, la Sonate pour violon et piano No 2 réalise avec une perfection artistique du plus haut degré la synthèse dans laquelle le langage personnel du compositeur devient en fait inséparable de l’ensemble des connaissances savantes et polynationales de Bartók sur la musique paysanne.
Apparemment, la Sonate No 2 se construit de deux mouvements «Lent–Vif» [Lassú–Friss] comme les rhapsodies. Cependant, composé de multiples tempos, le premier mouvement n’est que modérément lent. Après un commencement «Allegretto», de grandes intensifications et variations de tempo, le second mouvement, le «Vif» revient au tempo plus lent et à la thématique du début de la sonate. Le liseron mélodique du violon, le soi-disant «hora lungă» bartókien en tête de la composition réapparaît cinq fois dans la partition entière. À la manière d’une série de piliers des retours thématiques d’une structure de rondo, il exprime la dramaturgie vraiment essentielle enjambant la forme de deux mouvements. Entre ses trois premiers piliers, soit dans le premier mouvement, Bartók expose des thèmes distincts pour le violon et le piano en tant qu’épisodes, accompagnés d’une intensification à effet de chant funèbre. C’est entre les 3e-4e-5e piliers de la mélodie de type hora lungă que se situe le second mouvement proprement dit, suivant plus ou moins les contours de la forme de sonate, encore que la récapitulation remaniée rende les matières de l’exposition à peine reconnaissables. À l’apogée du mouvement, après la cadence violente de violon s’élève pour la dernière fois la forme extatique de l’idée fondamentale développée à l’image d’une strophe de chant populaire, puis l’intensité sonore s’apaise, le tempo se ralentit et la composition se termine par un accord éthéré d’ut majeur. [...]"
Voici donc...
Béla Bartòk, Sonate pour violon et piano No 2, Sz 76, BB 85, Ulf HOELSCHER, Maria BERGMANN, 22 septembre 1971, Studio 5 (Hans-Rosbaud-Studio), Südwestfunk, Baden-Baden