Traduit des notes de László SOMFAI publiées dans l'album Hungaroton SLXP 11336:
"[...] La Suite, datée „Rákoskeresztúr, 1916. II.“ est l'une des compositions les plus importantes de Bartók pour le piano. Depuis l'Allegro Barbaro, achevé cinq ans auparavant, Bartók n'avait pas écrit de compositions originales pour son instrument préféré. Pour cette raison, il s'efforça de renouveler son style pianistique et sa technique de composition. Bartók expliqua lui-même (en anglais, sur un disque américain): „Lorsque cette oeuvre fut composée, j'avais à l'esprit le raffinement de la technique pianistique, le changement de la technique pianistique vers un style plus transparent, un style plus osseux et musculaire, s'opposant au style lourd d'accords de la dernière période romantique, c'est-à-dire que les ornements non essentiels comme les accords brisés et autres figures sont omis et que c'est un style plus simple.“
La forme en quatre mouvements de la composition, telle qu'elle est connue aujourd'hui, atteste du jugement objectif de Bartók. À l'origine, elle se composait de cinq mouvements, et un Andante, longtemps non découvert, se trouvait entre le premier et le deuxième mouvement actuels. (Elle fut publiée dans le numéro d'octobre 1955 de la „Új Zenei Szemle“ [Nouvelle Revue Musicale], à partir d'une copie de 1918, en possession de l'élève de Bartók, Irén Egri). Il est vrai que l'omission de l'Andante gâche le système typiquement bartókien des tonalités dans les mouvements, mais elle est compensée par la forme dramaturgique qui en résulte. Partant d'un début modérément rapide et dansant, la composition accélère mouvement après mouvement, et devient plus personnelle et sauvage, jusqu'à ce que, au plus fort de la poursuite, elle retombe brusquement dans une musique lente et plaintive exprimant la solitude dans le dernier mouvement. Cette dramaturgie, que l'on retrouve également dans le Quatuor à cordes No 2, ne s'est cristallisée avec une pleine cohérence qu'après un certain nombre de représentations. Il est intéressant d'examiner les indications métronome dans la première édition universelle de 1918 et de les comparer avec celles de la version ultérieure:
Bartok présenta la Suite dans sa forme actuelle en quatre mouvements le 21 avril 1919, à Budapest. (Son propre enregistrement pour le disque: His Master's Voice AN 486, Bartók Recording Studio 003, 903).
Le mouvement No 1 (Allegretto) a une forme en trio, dans laquelle le nouveau matériau thématique de la partie centrale est toutefois lié à la figure d'accompagnement initiale de la première section et dans laquelle la réexposition ne fait que symboliser et dissoudre la section principale en une coda. Le flux rythmique du mouvement rappelle la musique folklorique roumaine et est divisé en conséquence. Son caractère est lié à la danse de la marionnette dans Le Prince de bois.
Le mouvement No 2 (Scherzo) est modelé sur AbAcAbAcA. Chaque élément revient sous forme de variante. Caractéristique d'une maturation générale du mode de pensée dodécaphonique, on trouve ici aussi de nombreuses plages de 12 tons, nées presque automatiquement de la transposition séquentielle de triades augmentées, comme dans la Symphonie Faust de Liszt.
Le mouvement No 3 (Allegro molto) est l'une des plus belles incarnations du modèle Allegro Barbaro. En 1928, Bartók écrivit ce qui suit à son sujet: „Je ne me suis pas non plus fermé à l'influence de la musique populaire arabe: la musique arabe, par exemple, a eu un effet sur le troisième mouvement de ma Suite pour piano (op. 14)“. Outre le rythme ostinato obstinément tambouriné, véritablement arabe, l'étroite portée chromatique de la ligne mélodique a également un effet fondamentalement arabe, bien que ces „échelles artificielles“ (dans l'accompagnement: altération de la seconde mineure - seconde majeure, dans le thème: une chaîne de secondes et de quartes mineures) ne figuraient pas exactement de cette manière dans le matériel de musique folklorique qu'il a collecté. Liszt, quant à lui, les avait déjà mises en évidence dans ses oeuvres ultérieures.
Le mouvement No 4 (Sostenuto) a une forme ternaire, avec une section médiane Più allegro et une récapitulation coda. L'accord final à sept voix est révélateur de certains principes de base de l'idiome musical mature de Bartók. [...]"
Recto de l'album Hungaroton SLXP 11336 avec un portrait de Béla BARTÒK en 1916
photo faite par Karoly KOFFAN d'un document de la collection de Denijs DILLE
Pour ce disque, le jeune Dezső RÁNKI (portrait ci-dessus) enregistra les pièces pour piano suivantes:
Voici donc...
Béla Bartók, Suite pour piano, Op. 14, Sz 62, BB 70, 30 octobre au 7 novembre 1967, Hungaroton Studio, Rottenbiller utca 47., Budapest