Michel BLAVET
Suite de danses „La Bouget“ et „La Lumagne“
pour flûte et orchestre à cordes
Jean-Pierre RAMPAL
Cordes de l'Orchestre des Concerts Lamoureux
Armand BIRBAUM
21-23 décembre 1965, Paris
Sur ce disque sont rassemblés les oeuvres et interprètes suivants:
La présentation rédigée par Henry-Jacques publiée à l'intérieur de l'album Philips 835-768-LY:
"[...] Si le château de Versailles, malgré une certaine disparité, s'est d'abord imposé par sa grandeur architecturale, la musique est venue bientôt lui donner une vie sans cesse renouvelée, humanisant cesformes insensibles. Quant à la suite de Louis XIV la cour s'y installa, les pouvoirs de la musique et de la danse y pénétrèrent aussitôt, faisant battre enfin le coeur de cet immense palais que Mansart avait édifié lentement pour les bons plaisirs du souverain.
Quand les salons furent prêts à recevoir la noble compagnie attachée au Roi, les musiciens et les maîtres à danser se trouvèrent à l'honneur. La musique semblait être devenue la respiration perceptible de la vie au palais, harmonisant les délices de la table et chantant, au crépuscule, de tendres sérénades pour faire rêver le coeur des ”Dames”. D'autre part, les Danceries étaient réservées à des heures bien choisies. On sait que Louis XIV était passionné par la danse et que, parfois, il ne dédaignait point de se nontrer en spectacle, animant par son auguste présence certains intermèdes composés pour lui. Le plus grand honneur qu'il pouvait faire à une femme de sa suite était de la prier d'être sa cavalière. On imagine les rivalités les jalousies capables de gâcher le sang des non privilégiées. Chacune, sans doute, y pouvait prétendre, mais les favorites faisaient en sorte de ne point être dépossédées. Mais il est évident que le Roi demeurait le seul maître de ses goûts.
On faisait donc une forte consommation de musique au cours des heures enchantées de Versailles, aussi bien d'oeuvres contemporaines que d'airs anciens dont on se souvenait comme de fidèles et vieux amis. Dans le premier concert que nous offre ce disque, c'est Michel Blavet (1700-1768) qui a l'honneur de conduire le bal. Ce musicien, que l'art phonographique nous a permis de mieux connaitre, avait un beau talent de flûtiste et sut composer des oeuvres intéressantes pour son instrument. On entendra ici deux Suites de Danses, ”La Bouget” et ”La Lumagne”. Toutes deux sont vives et gaies, la première remarquable par ses ”tendres badinages”, la seconde par sa jolie Sicilienne et son pétillant Presto. On peut imaginer ce délicieux Blavet jouant, certains soirs, dans les jardins, émouvant de belles écouteuses, parmi le bruit des jets d'eau.
Nous avons fait allusion plus haut à ces airs dont les auteurs sont oubliés mais qui ont pris place dans la mémoire en raison de leur charme persistant. Le premier de ces ”retour de flammes” est une noble Pavane du XVIe siècle, puis deux Gavottes dont la première, animée et parfois un peu nerveuse, est connue sous le titre de ”Gavotte d'Henri IV”, car elle a été composée sur l'une des chansons favorites du roi galant.
Deux autres Gavottes terminent la première partie du concert et nous les devons à un nom célèbre, Jean-Baptiste Lully (1632- 1687) dont certaines de ses grandes compositions musicales sont dignes de faire face aux architectures royales. Toutes deux sont tirées de l'opéra Atys qui date de 1676, une oeuvre mélancolique et grave traversée d'épisodes magiques et pastoraux La première de ces Gavottes est comme agitée de mouvements nerveux, tandis que l'autre se déroule avec noblesse.
C'est avec François Couperin ”le Grand” (1668-1733) que nous pénétrons dans le deuxième concert. Ce grand homme, l'un des musiciens de Versailles, appartint à la chapelle royale et fut souvent le compagnon de Louis XIV en ses dernières années, s'ingéniant par sa musique à distraire la solitude et l'ennui du souverain vieillissant. Les oeuvres que nous entendons ici appartiennent, la plupart, aux ”Goûts réunis”. La diversité des titres, leur couleur poétique parfois, répondent à une idée très précise de Couperin. ”Il est bon d'avenir, dit-il. que les pièces qui portent ces titres sont des espèces de portraits qu'on a trouvés quelquefois assez ressemblants sous mes doigts”. La chose était nouvelle à cette époque.
On écoutera donc un Rondeau, ”Le petit rien”, un rien qui est tout de même beaucoup; ”Le réveil-matin”, évoquant discrètement sa propre image: ”Les matelottes provençales” - appelons-les ”les filles de Marseille” - en souvenir des célèbres demoiselles de La Rochelle. Elles passent allègrement sous nos yeux, marchant ou dansant, selon le rythme, mais toujours avec une assurance de femmes ”naviguantes”. ”Les tricoteuses” trouvent dans la musique le mouvement propre à leur incessant travail. ”La Crouilly ou la Couperinette” offre cet intérêt d'évoquer les champs de Crouilly avoisinant la bourgade familiale de Chaumes. Son mouvement est mesuré, avec certaines expressions que l'on pourrait dire sentimentales. Après cette page digne de l'album de famille, un dernier morceau nous apportera les adieux de Couperin, ”L'anguille”, qui ne se laisse pas facilement prendre, tournant et se retournant, sous la fugitive protection de notes aiguës.
C'est avec justice, avec logique également, que l'on appela ”le Grand” notre François Couperin. S'il ne fut pas ”populaire” dans le sens convenu du mot, c'est que sa nature calme et simple l'écarta des succès du théâtre, lesquels apportent souvent d'universels retentissements. Il n'en a pas moins conquis une gloire juste et durable par ses nombreuses oeuvres de grand musicien et de poète.
Comme il l'a fait pour la fin de la première partie, Armand Birbaum a voulu terminer la seconde par l'intervention d'un musicien célèbre en choisissant deux airs de danse de la tragédie lyrique Castor et Pollux de Rameau (1683-1764). Celui-ci rejoint donc Lully et son sens de la grandeur, celle qui convient aux majestueuses beautés de Versailles. L'oeuvre, représentée en 1737, appartient par conséquent au règne de Louis XV. Le Menuet et la Gavotte, choisis pour la circonstance, furent ainsi réservés aux ”Danceries” de l'époque. Mais c'était toujours la cour de France, c'est-à-dire toujours Versailles. [...]"
Voici donc les deux courtes oeuvres de Michel Blavet „conduisant le bal“, avec Jean-Pierre RAMPAL en soliste:
Michel Blavet, Suite de danses „La Bouget“ et „La Lumagne“ pour flûte et orchestre à cordes, Jean-Pierre Rampal, Cordes de l'Orchestre des Concerts Lamoureux, Armand Birbaum, 21-23 décembre 1965, Paris
„La Bouget“: Allemande - Les tendres badinages - Gai 05:31
„La Lumagne“: Allemande - Sicilienne - Presto 05:58