Plusieurs oeuvres pour violon de Ferrucio Busoni - donc ce concerto en ré majeur - naquirent de son amitié avec le violoniste hollandais Henri Petri (1856–1914), un élève de Joseph Joachim qui fut chef de pupitre, soliste, premier violon de quatuor et professeur à Leipzig puis à Dresde. Son fils Egon - un remarquable pianiste - devint l’un des complices de Busoni.
Avec son Concerto pour violon, Busoni voulut manifestement s’inscrire dans la lignée de ceux de Beethoven et de Brahms, également en ré majeur, mais sans jamais s’abaisser à une simple imitation. Malgré un orchestre imposant (trois flûtes, un piccolo de doublement, deux de chacun des hautbois, clarinettes et bassons, quatre cors, deux trompettes, trois trombones, tuba, timbales, percussions et cordes), son écriture est transparente, avec mainte cantilena italianisante pour le soliste. La première audition fut donnée à Berlin, le 8 octobre 1897, avec Ferrucio Busoni à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Berlin (dans un programme dédié à ses seules oeuvres) et Henri Petri en soliste: ils furent rappelés cinq fois et durent rejouer le finale. Ce Concerto dédié à Petri parut chez Breitkopf und Härtel en 1899.
L’oeuvre, quoique ininterrompue, laisse apparaître trois mouvements, l’Allegro moderato présentant même, vers la fin, un embryon de scherzo: Busoni songeait peut-être au plan original brahmsien d’un concerto avec scherzo en quatre mouvements. Ce premier mouvement, beaucoup plus court que ses pendants beethovénien et brahmsien, se montre riche en thèmes et en transformations thématiques. Dès la première entrée du violon solo, revenant sur l’attrayant motif liminaire, Busoni fournit à Petri pas mal de passages gratifiants, en continuant toujours d’aller de l’avant.
Le noble thème du premier mouvement (Allegro moderato) est annoncé par les bois, puis repris par le violon, qui se lance dans une longue rhapsodie apollinienne sur cette douce mélodie ascendante harmonisée. L'écriture pour le violon est virtuose d'un bout à l'autre, faisant appel à de longs passages legato en doubles cordes alternant avec des sections rapides de doigté délicat. De temps à autre, il y a une suggestion de parodie, comme lorsque, dans le développement, les accords hiératiques des cuivres, semblables à ceux d'une fanfare, sont suivis par le soliste d'un air humoristique enjoué. Un grand tutti vers la fin du mouvement rappelle à l'auditeur la prédominance de Richard Strauss dans le paysage musical de l'époque, mais Busoni semble nous jeter un regard de côté et un clin d'oeil complice avec les gestes trop pompeux de l'orchestre.
Le deuxième mouvement (Quasi andante) suit sans pause: il s'agit - pour le soliste - d'une cantilène passionnée, avec un accompagnement discret de l'orchestre. Ici, l'élément parodique est abandonné au profit d'un bel exemple du talent de Busoni pour filer une mélodie complexe et longuement respirée, qui atteindra son expression la plus complète dans ses opéras. Dans la section centrale, le soliste brode des accords plaintifs de tonalité mineure aux bois, avant qu'un rappel du noble thème principal du premier mouvement ne nous entraîne sans pause dans le finale.
L'Allegro impetuoso final porte bien son nom, avec un thème rapide et sautillant lancé d'emblée par le violon. Bien qu'il ne s'agisse pas à proprement parler d'un rondo, le finale nous entraîne dans une succession rapide d'épisodes où l'humour et la bonne humeur prédominent. On notera en particulier un passage pour orchestre seul, dans lequel un thème pompeux est porté par les cordes graves avec beaucoup d'ironie, soulignant la prédilection de Busoni pour les masques et les rituels de la Commedia dell'Arte. La fin est brillante et passionnante. (texte basé sur les notes rédigées en 2014 par Tully Potter pour Hypérion, ainsi que traduit des notes de Mark Satola rédigées pour AllMusic)
Dans l'enregistrement proposé ici, Lamberto GARDELLI dirige l'Orchestre Symphonique de la Radio de Cologne, avec Mark KAPLAN en soliste. Je n'ai pas encore pu dater cette prise de son, qui semble avoir été faite en studio. Les trois mouvements sont certes exactement délimités, mais joués enchaînés.
1. Allegro moderato - Animando - Allegro 07:54:840 (-> 07:54:840)
2. Quasi andante - Poco agitato 08:49:160 (-> 16:44)
3. Allegro impetuoso - Più stretto - Quasi presto 06:52 (-> 23:36)