Ferruccio BUSONI composa sa Sonate pour violon no 2, opus 36a, à la suggestion de son ami Hjalmar von DAMECK, un violoniste de renom qui avait été impressionné par la Sonate pour violon no 1, opus 29, écrite par Busoni dix ans plus tôt, et par le concerto pour violon, opus 35a, que le compositeur avait achevé plus récemment.
C'est une oeuvre rarement jouée, de par ses grandes dimensions, une trentaine de minutes pendant lesquelles piano et violon développent un lyrisme très intériorisé, aux teintes fauves. Composée en 1898, elle fut donnée en première audition le 30 septembre 1898 à Helsinki, avec le compositeur au piano et Ottokar NOVÁČEK - à qui l'oeuvre est dédicacée - au violon. L'oeuvre fut revisée en 1900 et éditée l'année suivante.
Alliant toujours historicisme et regard vers l'avenir, Ferrucio Busoni basa sa deuxième sonate sur une oeuvre de Ludwig van Beethoven, sa sonate pour piano opus 109, dont il adopta la forme tripartite: un premier mouvement qui commence lentement mais qui finit par introduire un matériau plus rapide et contrasté; un second mouvement animé en 6/8 et une série de variations en guise de conclusion.
La sonate s'ouvre sur une invocation en accords, marquée «Langsam», que l'on retrouve dans plusieurs de ses oeuvres ultérieures. Elle mène à une mélodie de violon lyrique, longuement respirée, qui se déroule sur de subtils flux et reflux au piano. La texture se transforme ensuite en un mouvement constant propulsé au piano par des arpèges ascendants et descendants. À son apogée, le mouvement passe en si mineur, adopte des articulations plus rapides et plus pointues, mais s'installe finalement dans un rappel de la devise d'ouverture et d'autres motifs antérieurs.
Bien que le compositeur ne l'ait pas désigné comme tel, le second mouvement - «Presto» - est généralement considéré comme une «Tarentelle». Partant d'un thème emprunté au milieu du mouvement précédent, le violon fait preuve d'une énergie rythmique nerveuse tandis que le piano s'active à parcourir le clavier dans des gestes d'accords enjoués.
Le début du dernier mouvement, marqué «Andante piuttosto grave», contraste fortement avec la vitalité de la Tarentelle, même s'il revisite son matériau thématique, ainsi que l'indique le compositeur dans la partition, „comme un souvenir“. L'introduction lente et pensive conduit à l'énoncé d'un thème de choral, «Wie wohl ist mir, o Freund der Seelen», tiré du deuxième cahier d'Anna Magdalena Bach (BWV 517). Les variations de Busoni sur le thème du choral revêtent une grande variété de caractères, de l'agile au mystérieux, y compris une variation en mineur invoquant un motif funèbre semblable à une cloche. Comme dans la Fantaisie d'après J.S. Bach de Busoni datant de 1909, dans laquelle un motif funèbre similaire pleurait la mort récente du père de Busoni, le motif funèbre semble ici avoir présagé le décès du dédicataire de l'oeuvre, Ottokar Nováček. L'oeuvre se termine par un autre souvenir, d'abord des premiers gestes du dernier mouvement, puis de l'énoncé d'accords qui a ouvert toute la sonate, remanié en bénédiction.
Sur l'interprétation de cette oeuvre proposée ici, cité de l'ouvrage „Clara Haskil“ de Jérôme Spycket publié en 1975 - resp. 1992 pour l'édition de poche chez Payot, en page 213:
"[...] En prévision d'une tournée qu'elle doit faire en janvier 1955 en Suède, Clara HASKIL demande à son ami Peter RYBAR d'enregistrer avec elle la Sonate pour violon et piano de Busoni, à titre privé: elle s'occupe de tout, malgré un emploi du temps chargé, et profite d'un bref passage à Vevey, où son partenaire vient la rejoindre, pour répéter et enregistrer cette sonate. Le soir même de l’enregistrement, le 31 décembre, elle prend le train pour Rome, première étape d’une courte tournée en Italie.
[...] Le 18 janvier 1955 "[...] elle est à Malmö, le lendemain à Stockholm. Elle va voir Mme Busoni et lui remet le disque fait à son intention de l’oeuvre de son mari: la vieille dame ne l'entendra peut-être jamais, car elle n’a pas de tourne-disques...
Le 31 janvier Clara écrit de Manchester à Peter Rybar: „Visite à Mme Busoni, et à sa soeur, qui, malgré ses quatre-vingt-neuf ans, a encore un charme et un esprit captivants. Mais quelle tristesse tout de même ces deux dames si âgées, dont l'une aveugle, s'appuyant l'une sur l'autre, vivant seules et assez misérablement... Quand on pense ce que fut Busoni, quel fut son rayonnement dans le monde entier! [...]".
Ferrucio Busoni, Sonate No 2 en mi mineur, Op. 36a, BV 244, Clara Haskil, Peter Rybar, 31 décembre 1954, Vevey
1. Langsam - Poco con moto, assai deciso - attacca 07:54 (-> 07:54)
2. Presto - attacca 03:12:600 (-> 11:06:600)
3. Andante, piùttosto grave 17:35:400 (-> 28:42)