Les sonates no 54, 55 et 56 - Hob XVI:40, XVI:41 et XVI:42 - furent écrites pour le pianoforte et publiées en août 1784 chez Bossler à Spire comme opus 37, avec l’indication „composées & dédiées à Son Altesse Madame La Princesse Marie Esterházy née Princesse de Lichtenstein“ (1768-1845), épouse depuis le 15 septembre 1783 (elle avait quinze ans) du futur prince Nicolas II.
Elles présentent l'originalité de ne comporter que deux mouvements. À noter qu'en 1788, les trois sonates parurent dans une transcription pour trio à cordes: cette version souvent jouée de nos jours fut peut-être réalisée avec l’assentiment de Haydn, mais il est certain que la version originale est celle pour piano:
"[...] Ces trois sonates en deux mouvements furent conçues comme un groupe et composées ensemble, à la fin de 1783 et / ou au début de 1784, sans doute comme “pédagogique” cadeau de noces à la princesse. Haydn n’avait plus produit de sonates en deux mouvements depuis les vingtième et trente-deuxième. Les trois sonates de 1784 sont brèves, mais concentrées. Les six mouvements qui les composent ne se ressemblent en rien, chacun poursuivant ses objectifs à la perfection. Un compte-rendu de l’édition Bossier auquel on ne peut que souscrire parut en 1785 dans le «Magazin der Musik» de Carl Friedrich Cramer:
[Ces sonates] sont plus difficiles à exécuter qu’on l’imagine au premier abord. Elles exigent la plus grande précision et un goût très sûr. [...]" cité des notes de Marc VIGNAL publiées en 2013 dans le livret du CD Chandos CHAN 10763.
Dans l'„Allegro innocente“ ouvrant la sonate No 54, ceux qui exigeraient de Haydn qu'il déchaîne les cieux ou fasse trembler la terre avec des innovations chaque fois qu'il prend la plume, se priveraient du plaisir d'entendre le maître varier un thème simple et féminin avec une imagination étincelante. Le qualitatif „Allegro innocente“ utilisé par Haydn résume très bien l'atmosphère détendue et insouciante de ce mouvement, construit en forme de doubles variations.
Le second mouvement, „Presto“, s'organise selon un schéma ternaire (A-B-A'). Il s'élance avec „l'insouciance coquine d'une chèvre de montagne“ (Edwin S. Bergamini).
Une courte description cité des notes de Marc VIGNAL référenciées ci-dessus:
"[...] La sonate en sol majeur no 54 (Hob. XVI:40), la plus connue, séduisante, mais moderne d esprit, s’ouvre par un „Allegretto innocente“ à 6/8 de caractère pastoral en forme de variations alternées A-B-A’-B’-A” (les deux sections B en sol mineur). Les cinq sections comprennent chacune deux sous-sections répétées, les sections A et A’ faisant (8 + 16 =) 24 mesures, les sections B et B’, plus courtes de moitié, (6 + 6 =) 12 mesures. La section A” fait (8 + 20 =) 28 mesures, ce prolongement ne résultant pas d’un simple ajout de quatre mesures à la fin de la seconde sous-section, mais d’une recomposition de ses trois dernier quarts (mesures ultimes 86-100 de ce premier mouvement, sorte de transition vers le second): passagère échappée vers le mode mineur, deux points d’orgue sur un accord de septième de dominante „pianissimo“ au lieu d’un, retour du thème sous une forme non ornée, comme au début, sommet d’intensité de tout le mouvement, quatre mesures d’hésitation et enfin accord arpégé de tonique „forte“.
Suit un „Presto“ à 4/4 de forme ternaire (lied) A-B-A’. Par rapport à A, la section A’ est ornée et ne constitue pas une simple répétition. Ces deux volets extrêmes sont en deux sous-sections répétées (première reprise écrite dans A), les premières sous-sections se terminant à la dominante ré majeur et les secondes démarrant sans crier gare en si bémol majeur. Le volet central B est en mi mineur, sans reprises, d'une périodicité moins régulière, non sans velléités de polyphonie et subtilement relié aux deux volets extrêmes, notamment par un motif incisif descendant de trois fois trois notes. [...]"
La Sonate pour piano No 54 en sol majeur, HOB XVI:40, de Joseph HAYDN est ici interprétée par Artur BALSAM: