Johann Sebastian BACH
Triple concerto pour clavecin, flûte traversière
et violon en la mineur, BWV 1044
Ruggero GERLIN, clavecin, Maxence LARRIEU, flûte
Régis PASQUIER, violon
Collegium Musicum de Paris
Roland DOUATTE
décembre 1963, Église Notre-Dame du Liban, Paris
Le Triple Concerto BWV 1044 ne subsista que dans des copies manuscrites, et celles-ci sont moins nombreuses que pour les autres concertos pour clavier, ce qui laisse supposer qu'il a été moins souvent joué. Un manuscrit, cependant, est une partition de l'élève de Bach, Agricola, qui copia également de nombreuses autres oeuvres de ce type, ce qui implique leur utilisation dans les concerts qu'il dirigeait à Berlin en 1754. Un jeu de parties de Müthel est la seule autre source provenant directement du cercle de Bach. Les deux attribuent l'oeuvre à J. S. Bach, mais plusieurs anomalies soulèvent la possibilité que cette oeuvre, comme un certain nombre d'autres compositions et arrangements d'origine incertaine, soit en fait le produit d'un ou de plusieurs élèves, qui ont peut-être réalisé l'adaptation avec l'autorisation ou l'assistance du compositeur en vue d'une utilisation en concert au cours de la dernière ou des deux dernières décennies de ce dernier. Si tel est le cas, BWV 1044 constituerait un document supplémentaire sur les diverses collaborations de Bach dans les dernières années de sa vie.
Selon une opinion largement répandue, c'est vers 1738-1740 que Bach aurait composé son Triple Concerto BWV 1044, pour le Collegium musicum du Café Zimmermann de Leipzig (dont le compositeur assura la direction à partir de 1730 et qui lui offrit la possibilité de nombreuses représentations). Bien que ses trois mouvements soient tirés d'oeuvres antérieures, aucune de celles-ci n'étaient de forme concertante: les deux mouvements extérieurs proviennent du Prélude et Fugue pour clavecin en la mineur, BWV 894, écrit à Köthen vers 1718, tandis que le mouvement central est tiré de la Sonate en trio pour orgue en ré mineur, BWV 527, écrite vers 1727. Comme il est joué par les trois solistes seuls, il n'a pas été nécessaire de modifier beaucoup l'original à trois voix de l'orgue, si ce n'est pour ajouter une nouvelle voix d'accompagnement. Par contre, les deux mouvements extérieurs ont exigés un remaniement en profondeur pour être transformés en oeuvre concertante; à certains égards, il sont davantage des fantaisies nouvelles sur le matériau d'origine que des adaptations de celui-ci.
"[...] Ce Triple Concerto en la mineur, BWV 1044, recourt au même ensemble solo que le Concerto brandebourgeois no 5 (clavier, flûte et violon), dont il diffère pourtant à bien des égards, à commencer par la présence renforcée du clavier (la cadenza du Concerto brandebourgeois exceptée), lequel prime même volontiers, dans les mouvements extrêmes, sur les trois instruments solo. Ceci tient peut-être au fait que ces mouvements étaient à l’origine une oeuvre pour clavier solo: le Prélude et Fugue en la mineur, BWV 894. Il est fascinant de comparer les deux versions pour voir comment Bach transforma sans peine un prélude solo en un imposant mouvement de concerto. Voilà qui nous indique aussi comment concevoir et interpréter nombre de ses pièces solo en termes orchestraux. Triolets, notes pointées et pizzicatos propulsent ce mouvement long vers l’avant.
Le deuxième mouvement est une transcription du mouvement central de la Sonate en trio en ré mineur, BWV 527, pour orgue. Originellement en fa majeur, il est ici mis en musique en ut majeur et est presque dans le style galant du fils de Bach, Carl Philipp Emanuel, même si les chromatismes et les surprenants changements de tonalité trahissent la patte paternelle. Le dialogue ininterrompu entre les trois solistes finit par se poser sur la dominante de la mineur (on retrouve le même type de cadence à la fin du mouvement lent du Concerto en fa mineur). À l’indication de tempo originale, Adagio, Bach ajoute un ma non tanto qu’il faut voir comme une incitation à ne pas le jouer trop lentement.
Le dernier mouvement de la version pour clavecin solo était un moto perpetuo fugué qui permettait simplement au soliste de se faire valoir. Mais l’ajout de l’orchestre et des autres solistes débouche sur une oeuvre surprenante d’impact et de ferveur religieuse. Les tourbillonnants triolets de la partie de clavier sont introduits, interrompus et finalement conclus par un choeur vibrant, écrit dans une mesure alla breve et renouvelé du stile antico (polyphonie de la Renaissance). De bout en bout, chacun, hormis le claviériste, colle au matériau thématique à partir de cette introduction, véritable variation du contour harmonique du sujet fugué. Des explosions d’accords absolument féroces fusent de l’orchestre comme pour condamner les pécheurs. L’apogée survient avec une candenza dévolue au clavier, écrite sur une longue pédale. [...]" cité des notes rédigées par Angela Hewitt en 2005 pour Hypérion.
Johann Sebastian Bach, Triple concerto pour clavecin, flûte traversière et violon en la mineur, BWV 1044, Ruggero GERLIN, Maxence LARRIEU, flûte, Régis PASQUIER, violon, Collegium Musicum de Paris, Roland DOUATTE, décembre 1963, Église Notre-Dame du Liban, Paris
1. Allegro 08:58 (-> 08:58)
2. Adagio ma non tanto e dolce 06:52 (-> 15:50)
3. Alla breve 07:33 (-> 23:23)