„Béatrice et Bénédict“ est un opéra-comique en deux actes d'Hector Berlioz, sa dernière oeuvre majeure. En 1858, Édouard Bénazet, directeur du théâtre de Baden-Baden, lui demanda de composer un opéra d'après un livret d'Édouard Plouvier - un poète, écrivain, librettiste et goguettier français en vogue à cette époque. Hector Berlioz renonça toutefois rapidement à mettre en musique l'ouvrage de Plouvier, et proposa de reprendre un très ancien projet, remontant à 1833 déjà: enthousiasmé par les oeuvres de Shakespeare (dont il avait fait la connaissance en 1827), Berlioz songeait en effet à écrire un «opéra italien fort gai» d'après „Beaucoup de bruit pour rien“ de Shakespeare.
C'est ainsi qu'en 1860 il se mit à retravailler un scénario qu'il avait écrit en 1852 pour un opéra-comique inspiré de cette comédie shakespearienne (mais sans que cela aboutisse à la composition d'un opéra). Il transposa l'action à Messine, dans le palais du gouverneur, se concentrant sur le couple bouffe de Béatrice - la nièce de Léonato, le gouverneur de Messine - et Bénédict - un officier sicilien, ami de Claudio, l'aide de camp du général de l’armée sicilienne Don Pedro.
Tout au long de l'opéra, Béatrice et Bénédict se poursuivent mutuellement de leurs railleries et - évitant toute effusion sentimentale... - finissent, grâce aux efforts coalisés de leurs amis, par céder à l'attirance qu'ils éprouvent l'un pour l'autre. Ceci dans un contexte assez mouvementé, comme le fut la composition de l'oeuvre. En novembre 1860, Berlioz écrivait à son fils Louis: « Je ne puis suffire à écrire les morceaux de musique de mon petit opéra, tant ils se présentent avec empressement ; chacun veut passer le premier. Quelquefois j'en commence un avant que l'autre soit fini. À l'heure qu'il est, j'en ai écrit quatre, et il m'en reste cinq à faire. Tu me demandes comment j'ai pu réduire les cinq actes de Shakespeare en un seul acte d'opéra-comique. Je n'ai pris qu'une donnée de la pièce; tout le reste est de mon invention. Il s'agit tout bonnement de persuader à Béatrice et à Bénédict (qui s'entre-détestent), qu'ils sont chacun amoureux l'un de l'autre et de leur inspirer par là, l'un pour l'autre, un véritable amour. C'est d'un excellent comique, tu verras. Il y a en outre des farces de mon invention et des charges musicales qu'il serait trop long de t'expliquer.». „Béatrice et Bénédict“ célèbre donc en l’amour non pas la passion élevée et dévorante, mais «un flambeau, une flamme, un feu follet qui vient d’on ne sait où, qui brille et disparaît pour égarer notre âme, attire à lui le sot et le rend fou».
L'oeuvre fut donnée en première audition au Théâtre de la Ville de Baden-Baden le 9 août 1862: ce «caprice écrit avec la pointe d'une aiguille» valut au compositeur l'un des rares triomphes de sa carrière. Parmi les critiques présents dans la mondaine ville d'eau, se trouvaient des français pour commenter le succès de leur compatriote, lesquels s'étonnèrent de ce Berlioz nouveau qui n'avait plus rien de commun avec les visions de cauchemar de la „Symphonie fantastique“. Berlioz s'en amusa, comme l'atteste ce qu'il écrivit à son ami Humbert Ferrand le 21 août 1862: «Vous ririez si vous pouviez lire les sots éloges que la critique me donne. On découvre que j'ai de la mélodie, que je puis être joveux et même comique» cité des Lettres intimes) d'Hector Berlioz.
Dans cet enregistrement Decca, Robert DENZLER dirige l'Orchestre de la Suisse Romande. Fait entre les 14 et 26 mai 1954 dans le Victoria Hall de Genève - en parallèle de vastes sessions d'enregistrements de l'orchestre avec Ernest Ansermet et Karl Münchinger (S121 à S128 dans la discographie Decca de Philip Stuart, avec notamment les premiers enregistrements stéréo de Decca) -, il paraît sur les disques Decca LW 5125 - septembre 1954 - et Decca London LD 9143 - janvier 1955 -, tous deux en mono, avec l'ouverture de Benvenuto Cellini sur l'autre face. Ces deux ouvertures furent également enregistrées en stéréo, elles paraissent en mai 1960 sur le 45 tours SEC 5059 (Béatrice et Bénédict) et en mars 1972 sur ECS 637 (Benvenuto Cellini), dans les deux cas couplées avec des enregistrements d'ouvertures d'Auber et de Berlioz, Albert Wolff dirigeant l'Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire de Paris.
Voici donc...
Hector Berlioz, Ouverture de Béatrice et Bénédict, H 1386, Orchestre de la Suisse Romande, Robert Denzler, 14-26 mai 1954, Victoria Hall, Genève
