Rodolphe KREUTZER
Concerto pour violon et orchestre No 16
en mi mineur sur des thèmes de Haydn ("Lettre D")
Alfred BREITH, violon
Orchestre symphonique de la radio de Francfort
Dean DIXON
20 octobre 1963
salle d'émission de la Radio de Hesse, Francfort
«« Un compte rendu de concert paru dans l'Allgemeine Musikalische Zeitung du 9 avril 1806 (AMZ 8, 1805-06, page 438) fait référence à l'exécution d'un nouveau concerto de Rodolphe Kreutzer «das Kreutzer für sich selbst ganz aus Ideen Haydnscher Sinfonien zusammengesetzt hat». Ce compte rendu donne comme origine de la composition de l'oeuvre une annonce erronée du décès de Haydn. Kreutzer a dû penser que son plus grand hommage à Haydn serait d'écrire un concerto pour violon basé sur des thèmes de Haydn. Des passages entiers sont ainsi utilisés avec peu de changements, mais l'oeuvre n'est pas entièrement composée sur des thèmes de Haydn, certains sont propres à Kreutzer.
La plupart des thèmes des deux premiers mouvements de ce concerto sont tirés de la Symphonie No 44 en mi mineur de Haydn, intitulée - à juste titre... - «Trauer» (Deuil). Le thème et les variations de la Symphonie „Surprise“ (No 94) de Haydn ainsi que des thèmes nouvellement composés se retrouvent également dans le premier mouvement.
Le troisième mouvement du concerto de Kreutzer n'utilise par contre aucun thème de la Symphonie «Trauer». Kreutzer emprunte plutôt les thèmes principaux des finales de la Symphonie No 104 en ré majeur („Londres“) et de la Symphonie No 103 en mi bémol majeur („Roulement de tambour“) de Haydn, tout en utilisant ses propres mélodies originales.
Ces thèmes sont utilisés en conjonction avec l'écriture figurative normale pour le violon solo. Ces passages figurés sont similaires aux passages correspondants dans les autres concertos. Parfois, les thèmes de Haydn sont utilisés pour accompagner les figurations.
Les formes des trois mouvements du Concerto No 16 de Kreutzer s'apparentent à des degrés divers à leurs modèles haydniens.
Le premier mouvement est d'une forme commune aux concertos de Kreutzer: trois tuttis séparés par deux passages figurés. Dans les passages tutti, Kreutzer cite directement de longs passages du premier mouvement de la Symphonie No 44 de Haydn. Les citations directes ne sont pas utilisées dans les passages solistes, bien que les thèmes de Haydn soient parfois reconnaissables. Lorsqu'il emprunte des passages à la symphonie de Haydn, Kreutzer réorganise souvent les sections citées. Par exemple, le premier passage tutti contient des segments de l'exposition, du développement, de la réexposition et de la coda du mouvement de Haydn.
Dans le mouvement lent, la relation avec le modèle Haydn est encore plus étroite. Tout son matériel thématique est emprunté au troisième mouvement de la Symphonie No 44 de Haydn. La forme est presque exactement la même, et des sections citées directement sont utilisées tout au long du mouvement.
Le troisième mouvement présente encore un autre type d'emprunt. Ici, les thèmes de Haydn utilisés sont tirés des finales de ses deux dernières symphonies, les No 103 et 104. Dans ce mouvement il n'y a aucun emprunt à la Symphonie «Trauer», et le nombre de passages cités directement à partir des sources de Haydn est assez limité - principalement dans les première et dernière sections de tutti. La forme du finale de Kreutzer est typique: trois tutti et deux passages solistes.
L'instrumentation du Concerto no 16 de Kreutzer diffère des modèles de Haydn, bien qu'elle ressemble le plus à celle de la Symphonie No 44. Kreutzer utilise une flûte, deux hautbois, un basson, deux cors, des timbales et quatre parties de cordes. Dans la Symphonie No 44, Haydn utilise les mêmes instruments, à l'exception de la flûte et des timbales. L'orchestration de Kreutzer diffère peu de celle de ses autres concertos tardifs.
Alors que le public moderne a tendance à ne pas apprécier ces pot-pourris d'airs d'autres compositeurs, des rapports datant du début du XIXe siècle indiquent que cette oeuvre a été très bien accueillie. Le compte-rendu suivant du critique parisien de l'«Allgemeine Musikalische Zeitung» (AMZ 7, 1804-05, pages 420-21) est typique:
La juxtaposition de thèmes familiers tirés de différentes oeuvres de Haydn, ainsi que la nature différente des thèmes et des figurations propres à Kreutzer, confèrent à cette oeuvre une sonorité curieuse mais intéressante. »»