César FRANCK
Symphonie en ré mineur, FWV 48
Orchestre Philharmonique de Vienne
Wilhelm FURTWÄNGLER
14 et 15 décembre 1953
salle du «Musikverein» de Vienne
Composée entre 1886 et 1888, la Symphonie en ré mineur de César Franck, sa seule oeuvre de ce genre (*) , est une oeuvre de maturité, qu'il acheva à l’âge de 66 ans, soit deux ans avant son décès.
(*) "[...] durant ses années d’études à Paris, Franck avait déjà composé une Symphonie en sol majeur, qui fut même jouée en privé en 1841. Elle se range cependant dans la série d’oeuvres composées à cette époque sous l’influence du Classicisme viennois et dans lesquelles on reconnaît les fruits de l’enseignement à orientation néoclassique dispensé au Conservatoire de Paris. [...]"Peter Jost, Buchloe, été 1998, publié dans la préface de l'édition de cette symphonie chez Breitkopf: voir cette préface pour plus de détails sur l'histoire de la composition de la symphonie en ré mineur.
Lors de la première à Paris, le 17 février 1899 par l'Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire sous la direction de Jules Garcin, elle ne fut pas particulièrement bien accueillie. "[...] À vrai dire, on pardonnait difficilement à un organiste, même glorieux, d’écrire une symphonie, et le public ne savait pas très bien quoi attendre d’un tel homme. Objectivement, c’est l'oeuvre d’un organiste, et l’on n’a pas toujours tort de la rapprocher des oeuvres d’un autre organiste, Anton Bruckner. Après tout, l'orgue est un grand orchestre, et l’orchestration d’une telle Symphonie est travail de registrations, de couleurs, de formes inspirées de l’orgue. N'oublions pas non plus que l’orgue de Franck est symphonique, que le facteur Cavaillé-Coll a poussé l’orgue français classique vers la puissance, la “pompe”, hors des sentiers subtils des timbres baroques, tout comme l'orchestre symphonique est devenu une grande machine efficace, apte à remplir de sons les grandes salles de concert, tout comme le piano est devenu sonore, brillant, grand-public. Franck n’est pas dépaysé avec l'orchestre, ni avec la forme symphonique, mais il a quand même 67 ans lors de la création de l’oeuvre présente!
À l'audition, elle semble mono-thématique. Cette impression n’est pas tout à fait juste lorsque l’on examine plus attentivement. Le premier mouvement comprend trois thèmes, dont un principal, le premier, qui reviendra après le développement, sous forme de choral, et qui parcourt toute l'oeuvre comme élément unificateur. Son utilisation démontre une rigueur dans la construction tout à fait inattendue dans une symphonie “francaise”. Que l’on compare seulement cette grandeur majestueuse avec l’anecdotique Symphonie cévenole de Vincent d’Indy, qui n’a retenu des leçons de César Franck qu’un certain savoir-faire, et qui le fait savoir. Trois mouvements peut-être, mais il y en a deux dans cet Allegretto: un mouvement lent et un bref Scherzo. Il y a là une concentration du discours, une simplicité, un refus des surcharges orchestrales qui démontrent un sens de la construction de toute une Symphonie. Franck sait d’où elle vient, et où elle va. Bien sûr vers un Finale introduit par les cordes, avec quelques larges taches de l'harmonie. À nouveau, un choral, l’organiste ne s’oublie pas, non plus qu’il oublie son amour et son admiration pour les Chorals de Jean-Sébastien Bach.
À remarquer, la composition de l'orchestre: cordes, bois par deux (avec clarinette basse et cor anglais), cuivres par quatre, harpe, timbales seules. Un orchestre mobile, dynamique, souple, apte à se plier à tous les développements, et qui ne pèse jamais. Franck voulait faire une sorte de chef-d'oeuvre, comme les bons artisans, sans souci, si fréquent, de démontrer qu'il savait faire une symphonie. Sans les complexes de Bruckner, recommençant éternellement un ouvrage difficile, par d’autres chemins, dont la fameuse simplicité française (il faut bien le souligner), César Franck affirme une science étonnante de l'architecture, une imagination qui le placent bien au premier rang des symphonistes. Dommage qu’il n’en ait écrit qu’une. [...]" Cité des notes de Denys LÉMERY publiées en 1954 au verso de la pochette du disque Decca Classiques 592107 BA-342.
La conception de la symphonie en ré mineur repose sur la spécialité franckiste, c’est-a-dire l'idée de la forme cyclique qui consiste à exposer les thèmes en marquant le principal, reliant les divers mouvements par la répétition des motifs communs. Une courte description traduite des notes publiés dans l'album Deutsche Grammophon 18188 LPM:
«« Le Lento qui ouvre le premier mouvement apporte un motif pointé, comme une interrogation silencieuse, qui se dresse avec défi dans l'Allegro non troppo qui suit. Mais le Lento revient, à nouveau remplacé par l'Allegro révolté, qui laisse enfin la place au thème latéral doux et chantant. Les deux idées fortement contrastées sont traitées dans l'exécution à grande échelle. La réexposition présente à nouveau l'alternance entre le lento et l'allegro, dont le «motif du destin» s'impose et s'affirme finalement contre le thème chanté qui s'illumine de manière réconfortante.
Dans le second mouvement (Allegretto), qui ressemble à une marche funèbre, l'ambiance voilée du Lento prédomine. Le cor anglais chante un air mélancolique sur des accords pincés des instruments à cordes; une mélodie réconfortante des cordes y répond. Dans la partie centrale, qui représente le scherzo, apparaît une cantilène en mi bémol majeur joliment balancée de la clarinette, que l'on entend à nouveau dans la coda. La fin du mouvement se perd dans le pianissimo.
Le troisième mouvement (Allegro non troppo) débute de manière plus claire et plus violemment agitée. Mais dès le thème principal, on retrouve des réminiscences de l'idée fondamentale du premier mouvement, et au fur et à mesure que ce final se déroule, de plus en plus de réminiscences des deux mouvements précédents apparaissent. La coda qui couronne le tout fait finalement paraître léger le poids des souvenirs et conduit le thème final entièrement orchestré à une apothéose de grande ampleur. »»
Pour cette prise de son de l'équipe de Decca (Pr: Victor Olof, Eng: Cyril Windebank) faite les 14 et 15 décembre 1953 dans la grande salle du «Musikverein» de Vienne, Wilhelm FURTWÄNGLER dirigeait l'Orchestre Philharmonique de Vienne:
1. Lento - Allegro ma non troppo 18:07 (-> 18:07)
2. Allegretto 10:32 (-> 28:39)
3. Allegro non troppo 10:37 (-> 39:16)