Aujourd’hui encore, nous ignorons le nombre exact de concertos pour violoncelle que Joseph Haydn composa. Peut-être huit, peut-être seulement deux - les concertos No 1 et 2, HOB VII:b1 resp. HOB VII:b2. Ce dernier cas de figure semble être le plus probable. Une chose est dans l'état des connaissances actuelles sûre: ces deux concertos sont bien de la plume de Haydn.
Le Concerto en ut majeur No 1 fut redécouvert en 1961 à Prague, presque deux siècles après sa composition. Le Concerto en ré majeur No 2, plus célèbre car on le connaît depuis bien plus longtemps, fut toutefois pendant plus d'un siècle attribué à Anton KRAFT, qui étudia la composition auprès de Haydn et entra en 1778 comme premier violoncelliste dans l'orchestre du prince Eszterhàzy. Ce musicien était un instrumentiste hors pair auquel fut par exemple confiée la partie de violoncelle à la création du Triple Concerto de Beethoven. En 1783, Joseph Haydn lui composa le Concerto en ré majeur quasiment «sur mesures». L'oeuvre offre de multiples occasions de déployer un jeu virtuose. Kraft se trouvait certainement au côté de son Kapellmeister lorsque celui-ci la composa. C'est vraisemblablement ce qui explique l'attribution longtemps erronée du concerto. Il fallut attendre la découverte de l'autographe dans les années 1950 - dans les caves de la Bibliothèque Nationale autrichienne - pour être enfin fixé: l'oeuvre était bien de Joseph Haydn.
Le premier des deux concertos fut composé dans les années 1760, période au cours de laquelle Haydn écrivit ses premières symphonies et ses premiers quatuors. S'il présente encore dans sa forme et ses rythmes des éléments relevant de la tradition baroque, ce concerto constitue toutefois un remarquable exemple de l'art qu'avait Haydn d'associer formules anciennes et nouvelles.
Certains traits stéréotypes, notables dans ses formules rythmiques et mélodiques, s'accompagnent d'une écriture serrée, riche en contrastes, d'un genre nouveau et d'une élégance vif-argent dans la conduite des voix. Les progrès accomplis par Haydn apparaissent de manière particulièrement frappante dans le Concerto en ré majeur composé presque vingt ans plus tard. Aucun élément baroque n'y figure. Prédominent ce ton simple et chantant, cette clarté toute classique, cette «chantabilité» accessible à tous, qui firent immediatement aimer l'oeuvre de Haydn dans tous les pays. Ce qui distingue cependant ces deux concertos pour violoncelle est le génial équilibre entre accessibilité, virtuosité impressionnante de la partie soliste et extrême raffinement compositionnel. (résumé des notes de Wolfram STEINBECK (traduction de Hugues MOUSSEAU) publiées en 2003 dans le livret du VCD Orfeo C 080 031 A)
Une courte description citée des notes de Daniel MÜLLER-SCHOTT publiées en 2003 dans ce même livret:
"[...] Le Moderato introductif laisse au soliste, après l'exposition des thèmes confiée à l'orchestre, le soin de démarrer dans une atmosphère de grande solennité. Les rythmes pointés dans la tonalité de base produisent une impression de force et de sûreté. Bientôt pourtant apparaissent - notamment dans le développement - des éléments moins assurés: passages interrogatifs en triolets modulant dans différentes harmonies et culminant dans un chant passionné du violoncelle. Soliste et orchestre reviennent ensuite au thème principal en ut majeur.
L'Adagio qui suit constitue le coeur du concerto. Une mélodie paisible, sobre et intérieure est énoncée en fa majeur. Presque imperceptiblement la partie soliste émerge de l'orchestre dans un long do joué crescendo. Elle reprend le thème à son compte, prolongeant la méditation dans un calme dialogue avec l'orchestre. Le développement donne lieu à un événement inattendu: modulant de façon dramatique en mode mineur, la mélodie s'assombrit subitement. Une gamme chromatique ascendante apporte un surcroît d'expressivité. Une plainte étrange remet le chant en question, la partie de violoncelle menace de s'éteindre puis reprend pour finalement revenir au Cantabile en fa majeur. La lourde menace reste en mémoire, conservant son caractère latent jusqu'à la fin méditative du mouvement.
L'Allegro molto pugnace du mouvement final, qui renoue avec la tonalité rayonnante d'ut majeur. balaie avec une irrésistible puissance motorique l'intériorité réfléchie de l'Adagio. «Unbändig» (exalté) était l'un des termes préférés de Haydn. C'est exactement l'état d'esprit dans lequel nous nous trouvons, témoins et acteurs médusés d'un phénomène naturel: la musique explose telle une éruption solaire - irradiante de lumière et puissamment dramatique. Comme dans le deuxième mouvement, la partie de violoncelle émerge d'un do longuement tenu et joué crescendo par l'orchestre, déployant cette fois dans une sorte de sifflement un feu d'artifice sans pareil. Il s'agit de négocier ce déferlement de passages en doubles croches en ne négligeant ni l'attention portée à la dynamique ni le naturel des thèmes classiques du mouvement. [...]"
La superbe interprétation proposée sur cette page est un grand classique: