Claude DEBUSSY
Sonate pour flûte, alto et harpe, L 137
Christian LARDÉ, Colette LEQUIEN, Marie-Claire JAMET
«Chamber Music Society» CM-10
Si l'on excepte un Trio de jeunesse (vers 1880) pour piano, violon et violoncelle demeuré inédit, l'apport de Claude Debussy dans le domaine de la musique de chambre se réduit à un quatuor à cordes composé en 1892 et à trois sonates pour divers instruments écrites une vingtaine d'années plus tard.
Claude Debussy et son épouse Emma, date exacte, lieu et photographe inconnus
Claude Debussy composa cette deuxième pièce de sa suite de „Six sonates pour divers instruments“ entre septembre et octobre 1915 (il dédia la suite de six sonates à son épouse, Emma, mais ne put en composer que les trois premières pièces: sa fatale maladie l'empêcha de terminer l'oeuvre). La Sonate pour flûte, alto et harpe fut l'une de ses dernières oeuvres, composée la même année que la Sonate pour violoncelle et piano et que „En blanc et noir“. Son instrumentation singulière - la flûte, l'alto et la harpe n'avaient jamais été associées dans une pièce de chambre - lui confère une atmosphère sonore douce et mélancolique, aux accents orientaux.
La première audition française fut donnée le 10 décembre 1916 au domicile privé de son éditeur Durand, par Albert Manouvrier (flûte), Darius Milhaud (alto) et Jeanne Dalliès (harpe chromatique (*)) (la toute première audition avait été donnée le 7 novembre précédent dans le «Jordan Hall» du «New England Conservatory» de Boston par Arthur Brooke, Florian Wittman et Theodore Cella, tous trois membres du «Boston Symphony Orchestra».
[*] L'oeuvre fut composée pour la harpe chromatique imaginée par Pleyel en 1894: elle était sans pédales, plus facile à jouer que la traditionelle harpe diatonique d'Érard - chaque note étant affectée à une corde, ce qui supprimait la nécessité des pédales lors des modulations. Elle n'eut toutefois qu'une existence éphémère. Claude Debussy l'a souvent utilisée dans ses oeuvres, mais en fait, elle ne lui plaisait pas: après l'audition chez son éditeur Durand, Debussy confia à Robert Godet dans une lettre de 1916 qu'il regrette «la harpe chromatique, qui n'a jamais le poids sonore de la harpe à pédales, mais qui trouve le moyen d'être lourde».
Cette sonate rappelle la mélancolie du faune du Prélude. "[...] La poésie qui s'en dégage est le fruit de cette combinaison inédite de timbres. De forme tripartite, comme la précédente, elle présente d'abord une Pastorale (dans les couleurs de fa mineur et la b majeur ), puis un Interlude dans le tempo du menuet (construit autour du triton fa-si rappelé régulièrement par la flûte) et un Finale, souvenir de la Pastorale.
Dans sa réponse à son ami musicien, Robert Godet fait part de ses impressions sur cette deuxième sonate. «Cette île [la sonate], baignée d'un élément fluide, [...] est tout entière sillonnée d'eaux courantes qui y entretiennent la vie. À mesure que vous l'explorez, vous franchissez tel ou tel de ces fleuves et, sur la rive nouvelle, la joie de la découverte efface ou transforme les souvenirs de l'autre rive. Mais parfois, quelque chose vous fait tourner les yeux en arrière, et il semble que votre Deuxième sonate française est un de ces regards rétrospectifs grâce auquel il n'y a jamais de discontinuité dans le voyage» [...]" cité du texte de Elsa SIFFERT publié en 1997 dans la brochure du CD INDE042 de Calliope.
Une courte description rédigée par Harry HALBREICH:
"[...] Debussy trouvait cette oeuvre «affreusement mélancolique» et ajoutait: «Je ne sais pas si l'on doit en rire ou pleurer, peut-être les deux». Il estimait que cette Sonate «se souvient d'un très ancien Claude Debussy, celui des Nocturnes». Jamais peut-être Debussy n'a exprimé plus intensément toute la beauté de la nature.
Les trois instruments se marient de façon miraculeuse: audacieuse, mais sans affectation, d'une enivrante liberté de propos et de structure, cette Sonate, quintessence de l'art poétique debussyste, demeure pour beaucoup son chef-d'oeuvre suprême.
1. Pastorale - Ce morceau est de forme librement ternaire. Le ton principal de fa majeur, rehaussé par des subtilités parfois franchement polytonales, ne se fixe qu'à la neuvième mesure: on y parvient par la sousdominante, aboutissant à une cadence et à une quinte vide de l'alto jouant sur la touche. Par si bémol,fa majeur et la mineur, on arrive ensuite à la dominante ut, après quoi débute la partie animée du milieu («vif et joyeux»). La reprise de la première partie s'effectue dans un ordre complètement modifié et très amplifié. À la fin, après une longue hésitation entre fa et son relatif mineur, le ton principal s'affirme, avec un mi ajouté. Ainsi s'achève, sur une interrogation discrète, cette idylle limpide, d'une harmonie admirablement subtile, qui nous semble doucement mélancolique et non point «affreusement triste» comme la voyait l'auteur.
2. Interlude: Tempo di Minuetto - Ce mouvement de menuet est d'allure lente, à la mode d'autrefois, mais considérablement animé par l'agogique et une figuration très vivante. Le thème langoureux repose sur la dominante de fa mineur mais, après une deuxième idée fugitive en la bémol, on passe à ré bémol majeur. Faisant contraste par sa mesure à quatre temps, un épisode en si majeur, sorte de trio d'allure très animée avec ses roulades de flûte, apporte soudain une joie délicieuse, avec son thème en harmoniques de harpe. C'est la harpe qui reprend le thème de menuet, la flûte et l'alto se contentant de souligner certains angles de la ligne mélodique. Cette brève reprise est suivie d'un retour varié et abrégé de l'épisode en si majeur, auquel succède, dernier retour du menuet, une simple coda d'une profonde mélancolie. La harpe égrène l'accord mineur et le morceau se termine comme suspendu, par un ut, à l'unisson des trois instruments.
3. Final -«Harmonieuse comme une belle journée d'été, une quinte de la harpe vibre et bourdonne; soudain, un long appel de la flûte: dans les hauteurs infinies du ciel bleu monte et vire une alouette, être de légende, détaché de la nature et élevé au-dessus d'elle» (C. Howeler). Puis, cet Allegro moderato ma risoluto s'élance avec une vigueur rythmique évoquant Roussel. Malgré le ton de fa mineur, l'atmosphère est sereine et enjouée. Après une brève et étonnante incursion en la majeur, la musique bifurque bientôt vers la bémol, puis ré bémol. Alors s'engage une sorte de reprise-développement en si bémol mineur, à la fin de laquelle une entrée bitonale [ré mineur) de la flûte («lointain») annonce de façon aussi simple que surprenante le thème du délicat épisode «un poco più mosso», en ré mineur modal. Un simple sol bémol de l'alto suffit à préparer le retour vers les tons bémols où se poursuit pendant dix mesures un véritable développement qui superpose polyrythmiquement les deux éléments mélodiques qui ouvraient ce finale. La reprise se fait en fa mineur mais rapidement la joie éclate, en majeur, coupée par un poétique rappel de trois mesures de la Pastorale. [...]" cité du texte de Harry HALBREICH publié en 2000 dans le livret du CD Arcana A 392 de outhere-music.
Ce disque «Chamber Music Society» CM-10 est entièrement consacré à Claude Debussy, avec au recto le Quatuor à cordes Op. 10, L 85, et au verso deux de ses dernières sonates:
➣ Sonate pour flûte, alto et harpe, L 137, Christian Lardé, Colette Lequien, Marie-Claire Jamet
➣ Sonate pour violon et piano, L 140, Oliver Colbentson, Ernest Ulmer
Je n'ai pas encore pu trouver de date exacte pour cet enregistrement, qui fut également publié au verso du disque «Concert Hall Édition limitée A10 / LE10», également un vinyle rouge:
Voici donc...
Claude Debussy, Sonate pour flûte, alto et harpe, L 137, Christian Lardé, Colette Lequien, Marie-Claire Jamet
1. Pastorale. Lento, dolce rubato 07:25 (-> 07:25)
2. Interlude. Tempo di minuetto 06:14 (-> 13:39)
3. Finale. Allegro moderato ma risoluto 04:27 (-> 18:06)
Provenance: disque «Chamber Music Society» CM-10
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Le recto de ce disque «Chamber Music Society» CM-10 avec le Quatuor de Debussy: