Ernest Chausson compose cette oeuvre d'instrumentation très inhabituelle entre 1889 et 1891. Dédiée à Eugène Ysaÿe, l'oeuvre est donné en première audition le 4 mars 1892 et a d'emblée un excellent accueil:
"[...] Jamais je n'ai eu un tel succès. Je n'en reviens pas. Tout le monde à l'air de trouver le Concert très bien. Exécution très bonne, par moments admirable, et toujours si artistique! Je me sens léger et joyeux, comme il ne m'est arrivé de l'être depuis longtemps. Cela me fait du bien et me donne du courage. Il me semble que je travaillerai avec plus de confiance à l'avenir. [...]" Cité des notes rédigées en 1997 par Jean GALLOIS pour hyperion-records.co.uk, voilà ce qu'écrit Ernest Chausson dans son journal intime en date du 26 février 1892 sur l'accueil que le public bruxellois fait à son Opus 21. Il est d'autant plus enthousiasmé qu'il s'agit de son premier réel triomphe: il a alors déjà 37 ans et un catalogue assez important, jalonné de compositions considérées aujourd'hui comme des chefs d'oeuvre, mais qui n'avaient à l'époque pas encore eu beaucoup de succès.
Une courte description de l'oeuvre, également citée des notes de Jean GALLOIS:
"[...] Une tradition veut que les quatre mouvements de l'opus 21 aient été écrits dans l'ordre III (mai 1889), II (octobre–novembre 1890), I (juin 1891) et IV (juillet 1891). C'est s'en tenir à l'état définitif de chaque volet, car la réalité est toute autre et les brouillons du musicien démontrent sans ambiguïté que tous les thèmes du Concert ont été dessinés dès le mois de mai 1889: ce qui, justement, donne à l'oeuvre sa parfaite cohésion. Ratures, repentirs, gommages ultérieurs ne sont donc que la matérialisation apparente d'une pensée sans cesse en quête de perfection, sinon d'absolu.
L'oeuvre est superbe. Dès l'introduction du Décidé liminaire, s'impose par deux fois une cellule rythmique formée par les trois premiers accords. À la 35e mesure apparaît le premier motif proprement dit (A) contenant les trois notes cycliques, et clairement exposé, sur un dessin appogiaturé du piano, par le violon solo: c'est ce motif qui servira de lien entre chaque mouvement. Après un pont où percent de sourdes interrogations, survient le second motif (B) en si bémol mineur. Le développement se déroule de façon classique, donnant la prééminence au thème (A), la réexposition se faisant, elle, essentiellement sur (B).
Après cette âpre confession la Sicilienne apparaît un peu comme l'écharpe d'Iris, pur arc-en-ciel cintrant un ciel d'orage: elle en a les couleurs irréelles, l'élégante courbe, la cristalline immanence. Comme un pont que traverse une bouffée d'air frais, elle relie deux berges où sourdent les plus cruelles inquiétudes.
Car le Grave suivant reste l'un des plus beaux thèmes qui soient, sombrement, sobrement tragique, développant une longue ligne chromatique dépouillée.
Pourtant, le dernier mouvement ne laisse aucun doute, qui vient opposer son éloquence limpide, telle une revanche de la raison sur le sentiment, emporté par un thème Très animé à 6/8, ivre de liberté et d'énergie. Quant à la seconde idée, également confiée au piano, elle ramène, avec son rythme de longues et brèves, la claire tonalité de ré majeur, autour de laquelle va désormais, s'articuler le mouvement, avec le retour des principaux éléments entendus dans les pages précédentes: (A) ou (B), seconde idée du Grave. Le tempo s'amplifie et c'est dans un lumineux ré majeur—tonalité des triomphes heureux—que s'achève ce Concert où Chausson apparaît tout entier, avec ses espoirs et ses doutes, ses désenchantements passagers et ses aspirations les plus lyriques à la Lumière. [...]"
L'enregistrement que je vous propose ici est l'interprétation du Quatuor PASCAL, dans sa formation d'origine, Louis KAUFMAN, violon, et Artur BALSAM, piano. Il n'est paru - à ma connaissance - que sur trois disques: Concert Hall CHS 1071, Nixa CLP 1071 et Classic (France) Clc 6217 (première parution sur le CHS 1071 en juin 1951, d'après la discographie Concert-Hall de John Hunt). Qu'il n'y ait pas eu d'autres rééditions sur disque vient peut-être tout simplement du fait que le Quatuor Pascal a réenregistré cette oeuvre quelques années plus tard avec le jeune Yehudi Menuhin et Louis Kentner (HMV G.ALP 1285, 3e suppl. du WERM, 1953-1955): ce disque fut très bien accueilli par la critique, le Quatuor Pascal n'était donc probablement pas intéressé à une réédition de leur premier enregistrement.
Si je peux vous proposer cet enregistrement ici, c'est grâce à la générosité de Benoit du Quartier des Archives, qui m'a autorisé à publier ici son excellente restauration: je l'en remercie très chaleureusement.
Ernest Chausson, Concert en ré majeur pour piano, violon et quatuor à cordes, Op. 21, Louis Kaufman, violon, Artur Balsam, piano, Quatuor Pascal (Jacques Dumont, Maurice Crut, violons, Léon Pascal, alto, Robert Salles ,cello), Concert Hall CHS-1071, 1950-1951
"[...] Pour les mélomanes, le nom du compositeur Francesco Manfredini n'évoque qu'une seule oeuvre, le Concerto de Noël intitulé «Pastorale per il Santissimo Natale». C'est en fait le dernier du cycle de l'opus 3, publié en 1718. Les 11 concertos qui le précèdent sont restés ignorés du «monde de la musique» tout autant que le reste de son oeuvre, au demeurant assez peu étoffée: douze «Concertini per camera» [Sonates] op. 1 (1704), une sonate en trio publiée en 1706 dans une anthologie, douze «Sinfonie da chiesa» op. 2 (1709), les douze concertos mentionnés ci-dessus, six oratorios (composés entre 1719 et 1728), dont nous ne possédons qu'une version manuscrite, trois concertos non datés et non publiés ainsi que les «Six Sonatas» (sonates en trio) publiées après la mort du compositeur. [...]
Vers 1700, le genre nouveau du «concerto instrumental» était pratiquement l'apanage des musiciens formés et travaillant à Bologne. La contribution fondamentale des compositeurs bolonais à l'éclosion du concerto grosso est à mettre en rapport avec le déploiement de faste dont s'entourait la pratique musicale à la basilique San Petronio. Bologne était la seule ville qui pouvait soutenir la comparaison avec Venise et Rome à cet égard. Ce genre nouveau, requérant le concours de nombreux instrumentistes, y fut accueilli avec enthousiasme car il convenait parfaitement au goût de la représentation. C'est la structure de la sonate en trio qui fournit la base de ce développement. Elle fut modifiée dans le sens d'une organisation selon le principe de la régie sonore - les sections expressives et souvent moyennement animées sont assumées par le tutti, de façon chorale, tandis qu'un petit groupe de «concertistes» professionnels se voit confier les épisodes à interpréter en soliste, avec des traits techniquement plus exigeants, des paraphrases ornementales et des figures difficiles.
En 1718, pour son opus 3, Manfredini souscrit encore entièrement à cette conception fondamentalement bolonaise de l'essence du concerto, comme on peut le lire sur les pages de titre des parties: «Concerti a due Violini, e Basso continua obligoti, E due afire Violini, Viola e Basso di rinforzo ad arbitrio» (Concertos pour deux violons et basse continue - comme voix obligées - et deux autres violons, un alto et une basse en renforcement, au choix). Dans le bref avant-propos, l'honorable lecteur («Cortese Lettore») est avisé que les sept voix doivent être interprétées et que celles qui sont destinées au renforcement peuvent même être dédoublées mais que l'on pourra également retirer du plaisir d'une interprétation par seulement deux violons et une basse continue. L'interprétation du concerto et de la sonate en trio ne pourrait être plus clairement exprimée.
II faut toutefois émettre une restriction: la composition d'orchestre décrite par Manfredini ne correspond pas reellement aux besoins en effectifs des Concerti op. 3. [...]
Le cycle se termine par le célèbre «Concerto de Noël», rayonnant de joie, dont le premier mouvement, Largo, est construit comme un mouvement de concerto, avec des sections en tutti et en solo. C'est lui qui contient effectivement la «Pastorale per il Santissimo Natale», dont le style se caractérise par des lignes mélodiques bâties sur des parallèles de sixte et de tierce, un rythme de sicilienne berceur en mesure 12/8 et les basses de bourdon, suspendues par moments, sur lesquelles se déploie le jeu souple et coulant des voix supérieures. L'atmosphère lumineuse de ce premier mouvement est quelque peu troublée par des harmonies rudes dans le mouvement suivant mais les mélodies conduites en tierces, dans une mesure à trois temps, et les basses bourdonnantes du mouvement conclusif «Allegro» renouent avec le climat de Noël.
[...]" cité des notes de Manfred Fechner, dans une traduction de Sophie Liwszyc, publiées dans le livret du CD cpo 999 628-2 .
Ce disque «Concert Hall Society, Annual series, 6, release F-17» est un splendide vinyl rouge translucide, qui fut édité en une série limitée de 3000 exemplaires numérotés: mon exemplaire porte le numéro 1341. Sur ce disque sont rassemblées quatres (extraits d') oeuvres:
Le «Concert Hall String Ensemble» - est dirigé par Clemens DAHINDEN. En ce qui concerne cet ensemble à cordes, il est fort probable que pour cet enregistrement il s'agissait d'un ensemble formé de musiciens de l'Orchestre Symphonique de Winterthur - l'actuel „Musikkollegium Winterthur“.
La parution de ce disque est mentionnée pour la première fois dans le 2e supplément 1951-1952 du WERM - comme «CHS.F 17» - ce qui permet donc d'en situer la publication vers les années 1951 ... 1952. Je n'ai pas encore pu trouver trace d'une réédition, ni sur disque, ni sur CD.
Terminant la seconde face du disque:
Francesco Manfredini, Pastorale per il Santissimo Natale du Concerto grosso Op. 3 no. 12, pour deux violons et orchestre à cordes,Louis Kaufman, Anton Fietz, violons, Concert Hall String Ensemble, Clemens Dahinden
Largo 05:14
Provenance: Concert Hall Society, Annual series, 6, release F-17
Pour une présentation de cette oeuvre, voir cette page de mon site.
Pour la restauration de l'enregistrement j'ai pu disposer de cinq exemplaires de ce disque Musical Masterpiece Society MMS 7, une partie provenant de la collection de Stefan Kramer, que je remercie pour sa grande générosité.
Les premier et second mouvements sont normalement joués enchaînés. Pour ce disque 10", ceci n'était pas possible, à cause de la place disponible: ces deux mouvements furent donc séparés, le 1er mouvement sur la première face du disque, le 2e mouvement sur l'autre face, avec le 3e mouvement. À noter que certaines éditions ont une coupure mal effectuée à la fin du 1er mouvement, une fraction de seconde du 2e mouvement suivant le 1er mouvement. Le 2e mouvement est toutefois toujours au complet sur la seconde face.
Felix Mendelssohn, Concerto pour violon et orchestre no 2 en mi mineur, opus 64 (MWV O 14), Louis Kaufman, Netherlands Philarmonic Orchestra, Otto Ackermann, 21 au 25 juillet 1952 (*), Église néo-apostolique, Hilversum
1. Allegro molto appassionato 11:25
2. Andante 07:20
3. Allegro non troppo - Allegro molto vivace 06:03
Provenance: Musical Masterpiece Society MMS 7
(*) La datation provient de la Phonotèque Suisse, référence: AGF; CD-8004-2 / CD60935.