Une courte présentation de l'oeuvre, traduite des notes de Malcolm RAYMENT publiées en 1967 dans l'album Angel 36438:
"[...] Le concerto pour alto fut composé en 1945 au cours des derniers mois de la vie de Bartòk, alors qu'il travaillait également à son troisième concerto pour piano. À l'exception des dix-sept dernières mesures, il a pu achever la partition de l'oeuvre pour piano, mais il a laissé celle pour alto sous forme d'esquisses. Son ami et élève Tibor Serly entrepris la tâche minutieuse de déchiffrer ces esquisses et de préparer une partition à partir de celles-ci. Peu avant son décès, Bartòk écrivit à William Primrose, à qui l'oeuvre était destinée, pour lui dire que le Concerto pour alto était prêt à l'état d'ébauche et qu'il ne restait plus qu'à rédiger la partition - une tâche purement mécanique qu'il pouvait accomplir en cinq ou six semaines. Il évoqua également l'orchestration, qui serait plutôt transparente, plus que dans son deuxième concerto pour violon. En outre, il s'attendait à devoir apporter quelques légères modifications à la partie solo, certains passages pouvant s'avérer gênants, voire injouables.
Tout cela laisse penser que la tâche de Serly était assez simple, mais le problème était que Bartòk avait écrit ses esquisses sur toutes les feuilles de papier manuscrites qui lui tombaient sous la main (certaines d'entre elles contenaient déjà des esquisses pour d'autres compositions), qu'il n'avait pas numéroté les pages, qu'il avait écrit des améliorations par-dessus les originaux sans les effacer et qu'il n'avait donné que deux indications sur l'instrumentation. Un homme moins déterminé que Serly aurait sans doute abandonné l'idée de reconstituer ce puzzle - et il a fallu des mois pour décider quelle était la première mesure. Certains auteurs ont eu tendance à déprécier son oeuvre, affirmant qu'elle ne pouvait être considérée comme un authentique Bartòk. C'est vrai pour l'orchestration, bien qu'elle ait une sonorité typiquement Bartòkienne; mais pour ce qui est de la reconstitution des esquisses, les puzzles n'ont qu'une seule solution, et c'est celle à laquelle Serly est finalement arrivé. En s'attaquant à l'orchestration, Serly s'est inspiré de la déclaration de Bartòk selon laquelle elle serait transparente.
Aucune oeuvre de la maturité de Bartòk n'est plus simple que ce concerto. Son premier et plus long mouvement est de forme sonate et utilise deux thèmes principaux et deux thèmes secondaires. Le sujet principal est l'un de ceux qui subissent continuellement des expansions et des modifications; il est d'abord énoncé par le soliste avec un accompagnement des plus minces. Après les deux thèmes de moindre importance, vient le deuxième sujet au tempo légèrement plus lent et également joué par le soliste. Il est caractérisé par son mouvement de gamme descendante. La section de développement est introduite par une trille de l'alto et suivie d'une cadence avant que le matériau du mouvement ne soit récapitulé sous une forme variée.
Un passage parlando sous la forme d'une cadence accompagnée et un solo de basson relient le premier mouvement au second, dont la conception est similaire à celle du mouvement lent du troisième concerto pour piano. Des mélodies de type choral sur des accords soutenus constituent les sections extérieures, tandis que le bref épisode central est dans la veine de la „musique de nuit“ de Bartòk. Vers la fin, il y a une relation marquée avec le premier sujet du mouvement d'ouverture. Une autre cadence accompagnée, d'une excitation croissante, fait le lien avec le court finale. Avec sa succession perpétuellement mobile de doubles croches, ce dernier est très proche de la nature d'une danse folklorique hongroise. La section centrale est particulièrement truculente, les quintes de la basse suggérant les bourdons de la cornemuse.[...]"
Voici donc...
Béla Bartòk, Concerto pour alto et orchestre, BB 128, Sz 120, William Primrose, Orchestre du Concertgebouw d'Amsterdam, Otto Klemperer, 11 janvier 1951