Johannes Brahms compose cette courte oeuvre durant l'été 1880 à Bad Ischl, elle est contemporaine de son «Ouverture pour une fête académique», Op. 80 - qui est en fait son pendant. Elle est intitulée «Ouverture», mais il s'agit plutôt d'un mouvement symphonique - l'épithète «tragique» est plus en rapport avec un exercice de style (justement en opposition à la «fête») qu'une référence quelconque à un programme. Brahms lui a certainement donné ce nom afin d'avoir plus de liberté dans sa conception, il eut d'ailleurs quelque mal à trouver l'expression littéraire qui exprimerait clairement son intention musicale: «Tu pourras encore mettre au programme pour le 6 janvier, une ouverture «dramatique», ou «tragique», ou une «tragédie». Tu le vois, cette fois encore je ne puis trouver un titre» écrivait-il à Bernhard Scholz (Wien, 17.09.1880, d'après Robert Münster, Bernhard und Luise Scholz im Briefwechsel mit Max Kalbeck und Johannes Brahms).
Le compositeur jugea ses deux ouvertures d'une formule lapidaire souvent citée: « die eine lacht, die andere weint - l'une rit, l'autre pleure ». Pour plus de détails, voir par exemple cette page en allemand de Wikipedia.
La première fut donnée à Vienne le 26 décembre 1880, avec l'Orchestre Philarmonique de Vienne sous la direction de Hans Richter.
Une très courte description citée de cette brochure-programme d'un concert donné par l'Orchestre de la Suisse Romande et Ernest Ansermet le 14 janvier 1922 à Genève:
"[...] La forme classique de l’ouverture expose un premier groupe thématique assez complexe: on reconnaîtra un premier thème bâti sur deux éléments essentiels, suivi d’un certain nombre de motifs secondaires, où l’on remarquera au passage une plainte de hautbois et une impressionnante entrée des trombones, aboutissant au deuxième thème dont la nature expressive est évidente.
D’autres motifs secondaires, parmi lesquels un motif d’une rythmique incisive, amènent la conclusion de l’exposition.
Le développement introduit un mouvement de marche sur un premier accompagnement en triolets des cordes, où le deuxième élément du premier thème élargit sa signification; la réexposition rejoint très vite le motif des trombones qui s’éclaire en majeur avec le chant des cors et ramène le deuxième thème aux altos.
L’oeuvre conclut sobrement après un retour du premier élément du premier thème, dont un élargissement rythmique amplifie et souligne l’expression. [...]"
Nous retrouvons ici Paul KLETZKI dans un enregistrement datant du mercredi 1er novembre 1967. Au programme de ce deuxième concert de la saison «Concerts de Genève» donné au Victoria-Hall de Genève:
Concert du 1er novembre 1967, annonces dans la revue Radio TV - Je vois tout du 26 octobre 1967, pages 51 et VII
(cliquer sur la photo pour une vue agrandie, cliquer sur la vue agrandie pour la fermer)
"[...] Le travail en profondeur que Paul Klecki a entrepris auprès de l'orchestre commence déjà à se faire entendre. L'ovation qui les a salués à la fin de l'Eroïca est venue droit du coeur à l'adresse d'un grand chef, à la fois musicien de grande race et technicien accompli. La courbe qu'il a dessinée se laisse deviner: s'attaquer au répertoire avec une ardeur renouvelée, une discipline de tous les instants — l'entraînement, dans toutes les acceptions du mot; puis, au fil des répétitions, des concerts, des saisons, se perfectionner, s'élever toujours plus près des hauteurs où la musique nous appelle, dans un effort qui est en lui-même sa propre récompense.
Dans le second concert qu'il dirige cet automne, cette discipline commence à porter ses fruits. Une électricité nouvelle ruisselle parmi les musiciens, et dans la salle nous sommes tous conviés à écouter davantage, à participer activement à l'aventure commune. Et la noblesse, la beauté de la soirée résident justement dans cette attention accrue, cette plus-value que nous, auditeurs, ajoutons de notre plein gré, à la matière musicale réfractée par le prisme orchestral. Vivre la musique, quoi!
D'abord, l'Ouverture tragique. Brahms au sommet de sa carrière et de sa gloire, dans une de ces méditations intenses sur lesquelles on a tant glosé. Puis une parenthèse: le premier concerto pour clarinette et orchestre, opus 73 de C.-M. von Weber. Musique qui vieillit mal, mais où quelques phrases désarmantes nous dédommagent de notre peine. Robert Gugolz, première clarinette de l'OSR, s'y est fait applaudir, et ses camarades lui ont efficacement et loyalement donné la réplique.
Enfin, l'Eroïca, frémissante de vie, drame simple et immense. Tous, nous l'avons entendue. Hier soir, près de deux mille d'entre nous l'ont vécue. Grâce à l'OSR et Paul Klecki. Robert Cornman. [...]"
Voici donc...
Johannes Brahms, Ouverture tragique en ré mineur, Op. 81, Orchestre de la Suisse Romande, Paul Kletzki, 1er novembre 1967, Victoria-Hall, Genève (Allegro ma non troppo - Molto più moderato - Tempo primo ma tranquillo 12:53)
Provenance: Radiodiffusion, archives de la RSR resp. RTSR