Peter Tschaikowski composa cette symphonie entre mai et août 1888, soit un peu plus de 10 ans après sa symphonie précédente. Elle est dédiée à Theodor Avé-Lallemant, directeur de la Société Philarmonique de Hambourg - dont Tschaikowsky avait fait la connaissance peu auparavant, en janvier 1888, lors d'un séjour à Hambourg. La première audition fut donnée le 17 novembre 1888 à Saint-Petersbourg, l'orchestre de la Société Philarmonique de cette ville étant dirigé par le compositeur.
C'est la seule de ses six symphonies à posséder un thème cyclique revenant dans chacun des quatre mouvements, symbolisant le “destin”, la “prédestination inéluctable de la Providence”. Ce thème a d'abord un caractère funèbre dans le premier mouvement, introduit par les clarinettes puis accompagné par les cordes. On le rencontre deux fois dans le deuxième mouvement, à peu près au milieu du mouvement et juste avant la fin du mouvement, il fait irruption brusquement en triple forte, dans le troisième mouvement également avant la fin du mouvement. Le finale est lui aussi introduit par ce thème, mais en majeur, et après des combats victorieux, il peut conclure l'oeuvre de manière éclatante, comme dans une marche triomphale: l'ambiance de la symphonie passe du noir au début à la lumière, au triomphe, à sa fin.
Il n'est toutefois pas clair si cette symphonie est une oeuvre à programme ou non: Tschaikowski n’a laissé aucunes indications vraiment évidentes à ce sujet.
Une courte description traduite du texte de Bernd Stremmel publié en 2013 sur cette page du site klassik-prisma.de:
"[...] Selon la partition, le début du premier mouvement ne devrait pas être joué comme un adagio, mais sur un tempo andante. La troisième occurrence du thème du destin (mes. 21-30) est subtilement conçue sur le plan dynamique: mesure après mesure, le compositeur modifie le volume sonore. Klemperer, Szell, Matacic, Kletzki, Karajan-71 et -74, Dutoit, Järvi, Norrington et Muti répondent aux exigences de Tschaikowski. Le thème latéral des cordes (mes. 116-127) est interrompu par de courtes croches descendantes des bois, on n'entend généralement que les deux premières notes, mais Markevitch, Stokowski et Sinopoli en apportent davantage. Mitropoulos, Matacic, Bernstein, Sinopoli et surtout Stokowski mettent beaucoup de douleur dans les quatre mesures suivantes 128-130, poco meno animato. Ce dernier maestro raccourcit (= resserre) l'exposition et la réexposition de quatre mesures chacune.
L'auteur du livret du CD Teldec de Masur a qualifié le deuxième mouvement de «Liediger Sehnsucht» (chant de nostalgie éternelle), peut-être pensait-il en écrivant au solo de cor après les accords de cordes ou au solo suivant du hautbois en fa dièse majeur (mes. 24), qui rappelle de loin le Tristan de Wagner (deuxième acte). Les 16 accords de cordes sont considérés par de nombreux chefs d'orchestre comme une introduction indépendante, après laquelle commence le solo de cor déjà mentionné. Neeme Järvi et Sinopoli, par exemple, voient les choses différemment: le cor se pose sur le dernier accord de ré majeur et développe son thème, tandis que les cordes continuent d'accompagner, mais pas dans le mètre rigide qu'elles avaient auparavant, et donnent ainsi du rythme à la musique. Malheureusement, la clarinette qui accompagne le cor joue souvent de manière très timide, comme si elle n'osait pas. Lors de la première apparition du thème du destin (m. 99 et suivantes), Mravinsky, Bernstein-DG, Kubelik, Nelson, Gatti et Pletniev soulignent fortement le trombone basse et le tuba basse, mais ils ne peuvent pas non plus empêcher la musique de s'arrêter sur des accords de seconde non résolus. La solution est donnée une mesure plus tard (mes. 112), mais pas dans beaucoup d'interprétations. Ici, l'excitation d'avant devrait résonner, peut-être transmettre de la consternation, en conséquence, les pizzicati des cordes ne doivent pas sonner doucement et de manière soignée, au moins dans les trois premiers accords, la particularité devrait être perceptible, comme chez Matacic, Sinopoli, Szell et Furtwängler. Lors du transfert de l'enregistrement des disques d'acétate (changement de disque) sur CD, une pause beaucoup plus longue que celle apportée par Furtwängler en concert a été créée. Des techniciens du son attentifs n'auraient pas laissé passer cette négligence fâcheuse. Pour finir, une réplique à Mravinsky: chez lui, les accords de pizzicato sonnent plutôt de manière réfléchie, peut-être affectée.
Tschaikowski a qualifié le troisième mouvement de valse, il pensait certainement à l'une des nombreuses scènes de valse de l'un de ses ballets, ce petit morceau devait être interprété de manière légère et décontractée, sans chercher la moindre profondeur. Dans ce mouvement, il y a également un solo de clarinette - l'instrument très important de cette oeuvre. En plus des cordes qui l'accompagnent, Tschaikowski écrit à plusieurs endroits des notes discrètes de cors bouchés, comme une touche de couleur, pour rappeler le destin? De très nombreux chefs d'orchestre “oublient” les cors bouchés: Svetlanov, Wand, Sinopoli, Dudamel, Jansons, Pappano, Solti-live, Bernstein-DG, Kubelik, Järvi, Muti, Norrington et Maazel ne le font pas.
Le finale commence lui aussi par le thème du destin, mais en majeur. L'Allegro vivace suivant, dans une mesure alla breve, ne doit pas être joué trop lentement, ce qui fait malheureusement défaut à de nombreux enregistrements. Certains chefs d'orchestre donnent ici un tempo rapide, mais oublient ensuite leur intention initiale, ce qui fait baisser la tension. La structure formelle en tant que mouvement sonate avec une longue exposition, un développement et une réexposition constitue également un défi pour les interprètes. Cette dernière ne réserve guère de surprises et peut paraître un peu longue si le tempo est modéré. [...]"
Voici donc...
Peter Tschaikowski, Symphonie Nr. 5 en mi mineur, op. 64 (TH 29, CW 26), Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise, Paul Kletzki, 18 et 19 mai 1967, Herkules-Saal München