Johann Sebastian BACH
Concerto pour deux clavecins et orchestre BWV 1061
Clara HASKIL, Géza ANDA
Orchestre du Festival de Lucerne
Herbert von KARAJAN
10 août 1955
Sur ce concerto, traduit des notes publiées au verso du disque Haydn Society - Anthologie Sonore AS 31:
Au moment de la composition de ce concerto, vers 1730, Johann Sebastian Bach est à l'apogée de son génie. Il vient d'achever la Passion selon Saint-Matthieu et ses fonctions officielles et artistiques se sont multipliées: professeur au lycée et directeur musical de l'Université et de la Thomaskirche de Leipzig, a des élèves qui étudient avec lui à la maison, il s'exerce sur plusieurs instruments et compose inlassablement. Il accepte même, en 1729, la direction du „Collegium Musicum“, société municipale qui donne des concerts en collaboration avec des étudiants musiciens de l'Université et des amateurs de la ville. Mais Bach, infatigable, trouve aussi le temps d'organiser des concerts familiaux chez lui, avec sa femme, ses fils et quelques disciples privilégiés. Les fils aînés, Wilhelm Friedemann et Philipp Emanuel, âgés respectivement de vingt et seize ans, sont déjà des musiciens accomplis. En 1730 déjà, leur père parlait d'eux avec fierté: „Tous mes fils sont des musiciens nés et je peux vous assurer qu'avec ma famille, je suis déjà capable d'organiser un concert tant vocal qu'instrumental“.
C'est pour ces concerts familiaux et probablement aussi pour le Collegium Musicum que Bach a composé trois concertos pour deux clavecins - deux en do mineur et le troisième en do majeur. Ce dernier est le seul à avoir été véritablement conçu pour le clavecin, dans la mesure où ceux en do mineur sont transcrits à partir de concertos pour deux violons.
Johann Sebastian Bach n'est pas le premier à avoir écrit pour deux clavecins. Hieronymous Pachelbel et François Couperin l'avaient précédé dans cette voie. Ce type de composition très spécialisé semble provenir du fait que, selon la coutume de l'époque, les concertos, comme presque toutes les oeuvres musicales de l'époque, étaient accompagnés d'un clavecin qui réalisait une basse chiffrée, même lorsqu'il s'agissait d'un concerto composé pour le clavecin. Dans ce cas, il y avait deux clavecins. Aussi, lorsque par exemple Jean-Sébastien Bach et l'un de ses fils jouaient, l'un le solo de clavecin, l'autre la partie de clavecin d'accompagnement, ils créaient tout naturellement un véritable concerto au sens le plus strict du terme. L'accompagnateur, emmené, se débarrassait alors de sa réserve habituelle et répondait au soliste en reprenant l'idée musicale. Dans le Concerto en ut majeur, on retrouve des traces très nettes d'une réalisation de la basse chiffrée lorsque l'un ou l'autre des clavecins intervient soudainement, sur les quatre temps de la mesure, avec des accords nets et impérieux contre les doubles croches impétueuses de son partenaire. Mais comme Bach a spiritualisé ces accords! Dans le flot incessant et irrésistible de ce concerto, ils endiguent les vagues tumultueuses comme les „Quos ego“ de Neptune et nous offrent quelques instants de repos.
La magnifique interprétation de cette oeuvre proposée ici provient d'un concert donné le 10 août 1955 lors des Semaines Musicales Internationales de Lucerne. L'orchestre du festival - à l'époque composé de musiciens de divers orchestres suisses se réunissant pour cette occasion - était placé sous la direction de Herbert von KARAJAN. Le concert fut retransmis en direct sur l'émetteur de Monte-Ceneri.
Au programme:
* Johann Sebastian Bach, Concerto pour deux clavecins et orchestre en ut majeur, BWV 1061
* Arthur Honegger, Symphonie no 3, dite „Liturgique“, H 186
* Johannes Brahms, Symphonie no 2 en ré majeur, op. 73
L'attraction majeure de la soirée était la participation de Clara HASKIL et de Géza ANDA dans le Concerto de Johann Sebastian Bach.
"[...] La manière respective des deux virtuoses est singulièrement opposée: à la miraculeuse délicatesse de toucher de Mme Haskil, Géza Anda oppose une précision rythmique qui n'est pas sans apporter au discours musical autant de netteté que de vigueur. C'est à l'heureuse synthèse de ces qualités que nous dûmes une traduction remarquable du concerto , légèrement compromise toutefois par la résonance insolite des deux instruments, arbitrairement placés au centre du podium. [...]" Cité de la Tribune de Lausanne du 11 août 1955 en page 3, compte-rendu de «Florestan»
Johann Sebastian Bach, Concerto pour deux clavecins et orchestre en ut majeur, BWV 1061, Clara HASKIL, Géza ANDA, Orchestre du Festival de Lucerne, Herbert von Karajan, 10 août 1955, Kunsthaus, Lucerne