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La splendide interprétation de cette oeuvre proposée ici provient d'un concert donné le 18 août 1956 à Lucerne, lors des Semaines Musicales Internationales. L'orchestre du festival était alors placé sous la direction d'Ernest ANSERMET avec Isaac STERN en soliste. Le concert fut retransmis en direct sur l'émetteur de Sottens:
Cité de l'enthousiasmé compte-rendu d'Henry JATON publié le lendemain dans la Gazette de Lausanne:
"[...] TROIS GRANDS NOMS AU FESTIVAL DE LUCERNE - Bartok / Honegger et Ansermet triomphent
On ne saurait contester qu'en établissant l'ordonnance du programme du concert symphonique qu'il conduisait hier soir au Festival de Lucerne, Ernest Ansermet agissait avec une belle crânerie. Il n'est point aisé, en effet, de faire triompher Bartòk et Honegger sur les rives de la Reuss... Charles Münch et même Herbert von Karajan doivent avoir conservé à ce propos des souvenirs cuisants... tant l'auditoire coutumier du Kunsthaus n'est nullement possédé du démon de la curiosité, enraciné qu'il est à un «conservateurisme» qui entrave singulièrement les responsables du Festival, dans l'établissement de leur affiche.
Mais, en affirmant ainsi son audace, Ansermet dénonçait tout autant la confiance légitime que lui peuvent procurer un commerce déjà lointain avec la littérature contemporaine et plus encore, celle manière de divination et de clairvoyance qui lui est propre et qui lui permet de nous révéler, avec le maximum de lucidité et de clarté, les partitions les plus complexes de la littérature musicale de notre temps.
Complexité, ai- je dit? Oui, sans doute: il s'agit bien de cela dans des ouvrages qui, tels que le «Concerto de violon de Bêla Bartòk» ou la «5e symphonie» d'Arthur Honegger, ne représentent nullement un mode d'expression d'une intelligence spontanée, mais bien au contraire, un style imposant à l'auditeur un indéniable effort d'adaptation et de compréhension même...
Enregistrant cette constatation-là, c'est tout le procès de la musique actuelle que l'on remet en question; c'est le divorce entre l'artiste créateur et le public qui est stigmatisé une fois de plus, sans qu'une solution puisse intervenir, qui serait susceptible d'amener un rapprochement entre les deux parties.
La situation des deux antagonistes est si diamétralement opposée que l'on peut légitimement se demander si elle ne correspond point à une constante dont l'histoire de la musique nous démontre éloquemment l'immuabilité son temps. À sa production, toute d'intériorité et de grandeur, Bach lui-même se voit opposer, pour un temps tout au moins, le style plus brillant et plus extérieur de Telemann. Enfin, plus près de nous, l'épopée de «Pelléas» et du «Sacre» est suffisamment évocatrice, pour que cette réaction perpétuellement négative de l'auditeur «moyen» ne nous surprenne plus.
Il n'en demeure pas moins, qu'en associant Bartòk et Honegger à son programme d'hier, Ernest Ansermet songeait moins à son succès personnel qu'à l'occasion qu'il voulait se donner de familiariser son auditoire d'un soir, avec deux ouvrages essentiels de la production instrumentale contemporaine. Entreprise infiniment courageuse, je le répète, et dont je me hâte d'ajouter qu'elle a abouti à une totale réussite, le «Concerto de violon» de Bartòk — admirablement «défendu» par Isaac Stern —- et la «5e Symphonie» d'Arthur Honegger ayant bénéficié d'un accueil, si ce n'est pas délirant , du moins visiblement intéressé et enthousiaste.
Les deux ouvrages, dans l'horaire de la production de leurs compositeurs respectifs, ne sont pas sans accuser une analogie éventuelle. Le «Concerto de violon» de Bartòk constitue, en effet , avec le «Concerto pour alto» et le «Troisième Concerto de piano», l'admirable «chant du cygne» par lequel l'éminent musicien hongrois préluda à sa mort qui devait survenir, en 1945, selon les propos d'un de ses meilleurs biographes, «dans l'aube indifférente d'un quelconque Septembre new-yorkais»...
Quant à la «5e Symphonie» d'Arthur Honegger, elle aussi marque l'adieu d'un maître à ce monde de la musique auquel il apporta durant plus de quarante années, l'enrichissement de ses témoignages les plus puissants et les plus caractéristiques.
Née d'un carnet d'esquisses, où Honegger notait, au cours de ses longues nuits d'insomnies, les motifs qui lui venaient à l'esprit, la «5e Symphonie» nous démontre l'art honeggerien, atteignant à son expression la plus profonde, à son dépouillement le plus absolu.
De la «Symphonie», Ernest Ansermet nous offrit une traduction saisissante dont on ne saurait concevoir qu'il puisse en intervenir de meilleure. Quant au «Concerto» de Bartòk, Isaac Stern — je l'ai dit — nous en proposa une exécution magistrale, dominée par une autorité souveraine et cette impeccabilité technique dont le prestigieux violoniste est coutumier.
Ce deuxième concert symphonique du cycle lucernois s'ouvrait par l'«Ouverture des Hébrides» de Mendelssohn, si peu fréquemment jouée, que l'on prit un plaisir particulier a cette manière de révélation...
Quant à «Iberia» de Claude Debussy qui clôturait l'audition, fut le motif de réconciliation générale d'un auditoire que Bartòk et Honegger avait quelque peu éprouvé...
Aussi bien que dans l'exposé de la «Symphonie» de Honegger, Ernest Ansermet retrouva tout au long d'«Ibéria» ce climat qui lui est familier et dans l'évocation duquel notre grand chef romand ne saurait être surpassé.
Le public du Kunsthaus, dont pourtant la spontanéité n'est guère le point fort, fut sensible néanmoins à un commentaire d'une qualité si parfaite, en saluant la péroraison d'«Ibéria» d'une ovation enthousiaste, à l'image du succès triomphal qu'Isaac Stern enregistra dans sa traduction transcendante du «Concerto» de Bartòk.
Ainsi donc, réussite totale d'autant plus éclatante pour Ernest Ansermet, parce qu'obtenue à l'ombre d'un répertoire dont on ne saurait dire qu'il bénéficie des faveurs coutumières des mélomanes lucernois.
[...]"
Béla Bartòk, Concerto pour violon et orchestre No 2 en si mineur, Sz 112, Isaac Stern, Orchestre du Festival de Lucerne, Ernest Ansermet, 18 août 1956
1. Allegro non troppo 15:39 (-> 15:39)
2. Andante tranquillo 09:48 (-> 25:27)
3. Allegro molto 11:36 (-> 37:03)