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Anton BRUCKNER, un portrait non daté fait par l'agence Hubert de Vienne
Hans MÜLLER-KRAY en ??, lieu ??, photographe ??, cliquer pour voir l'original dont est extraite cette vue

Anton BRUCKNER
Symphonie No 1 en ut mineur
version de Linz 1877 avec revisions
Ed. Robert Haas [1935]
Orchestre Symphonique de la Radio de l'Allemagne du Sud
Hans MÜLLER-KRAY
21 mars 1963
Villa Berg, Stuttgart

La symphonie est centrale dans l'oeuvre d'Anton Bruckner, et même beaucoup plus exclusive, car Bruckner - étant pourtant organiste - n’a pas laissé d’oeuvres pour piano ou orgue - si l’on excepte quelques pièces secondaires -, ni de lieder, et a composé très peu de musique de chambre. L’autre pan important de sa création est constitué par la musique liturgique chorale, dont les grandes oeuvres comme les messes ou le Te Deum sont le pendant religieux des symphonies (on trouve d’ailleurs des thèmes musicaux communs qui circulent entre les deux domaines) et forment l’autre versant d’une même création toute dédiée «soli Deo gloria».

Une excellente présentation cette symphonie No 1, citée du texte de Rolf A. DIMPFEL publié en 1982 dans les notes de l'album Deutsche Harmonia Mundi 1C 065 99 937 (traduction de Nicole GEERAERT):

"[...] Afin d’approfondir ses connaissances théoriques, Anton Bruckner commença en 1857 des études exhaustives auprès du célèbre théoricien viennois de style conservateur, Simon Sechter, auquel il rendit régulièrement visite, clôturées par un examen final en 1861 - à l’âge de trente-sept ans. Sechter lui certifia: «Je n’ai jamais eu d’éléve aussi appliqué que vous!», et le professeur Herbeck, membre de la commission d’examen déclara:«c’est lui qui aurait dû nous examiner!». Par la suite, Bruckner - jamais satisfait de ses connaissances - demanda à Otto Kitzler, maître de chapelle à Linz, son cadet de dix ans, de l’initier à la musique «moderne», et c’est grâce à Kitzler qui dirigea à Linz le «Tannhäuser» de Richard Wagner, qu’il s’intéressa particulièrement à cette oeuvre. Un monde nouveau se présenta alors à Bruckner et déclancha un flot de forces créatrices qui mûrissaient en lui depuis longtemps. Jusque là, il avait surtout composé des oeuvres sacrées de caractère traditionnel, assez brèves et destinées à l’usage liturgique. Plusieurs grandes compositions sacrées virent alors le jour ainsi que sa première symphonie officielle, en ut mineur, outre deux symphonies qu’il considérait comme des oeuvres d’étude et qu’il refusa de publier.

Alors que sa Symphonie d’étude en fa mineur et les grandes Messes de cette époque sont nettement influencées par la musique de Wagner, la Symphonie en ut mineur ne rapelle que vaguement ce dernier: des instruments à vent entonnent à l’unisson le troisième thème du premier mouvement, tout autour d’eux virevoltent des figures des instruments à cordes à la manière de Wagner; et le thème du dernier groupe thématique du finale ressemble au thème du duel entre Lohengrin et Telramund. Dès lors, il est cependant évident que Bruckner ne copie en rien le maître de Bayreuth, malgré la vénération profonde qu’il lui porte. Il n’échange pas son vieil univers contre le nouveau, mais il y pénètre. Il reprend le chromatisme de Wagner, ses harmonies empreintes d’enharmonie et d’altération; il ne s’y perd jamais, mais les intègre à son propre style. Wagner, l’esprit fort et l’auteur dramatique, vise à une rédemption dramatique et à la purification par la mort («Le Vaisseau fantôme», «Tristan», «Le Crépuscule des Dieux», «Parsifal»). Bruckner par contre, qui consacrera toute sa vie à prier Dieu ardemment selon une règle stricte journalière - semblable dans sa foi inébranlable à Palestrina et aux gnostiques du Moyen-Âge - considère sa musique comme un moyen d’adoration et de glorification hymnique.

Et Bruckner ne s’inspire pas seulement de Wagner. Il reprend la forme à quatre mouvements des compositeurs classiques, l’ampleur de Beethoven (dont la neuvième Symphonie l’impressionna particulièrement), mais il modifie les deux. Il rompt également avec le principe dualiste, habituel jusqu’alors, consistant à opposer deux thèmes et à les faire lutter l’un contre l’autre au cours du développement dramatique. Bruckner tire ses thèmes pour ainsi dire du néant, il les transforme en mélodies de grande envergure, après le développement, et il ajoute un troisième thème aux deux thèmes habituels. Il dépasse le principe dramatique soulignant le conflit et le dégage du principe divin de la Trinité. La réapparition des thèmes du premier mouvement dans le finale - ils ont atteint la plus grande perfection et sont déposés en offrande devant le trône du Très-Haut «Soli DEO gloria» («uniquement pour rendre gloire à DIEU»; Jean-Sébastien Bach signa toutes ses oeuvres de l’abréviation SDG) - qui est une des caractéristiques de ses symphonies ultérieures, est elle aussi déjà esquissée dans le mouvement final de la première symphonie: le motif en octaves du mouvement initial qui sert de transition entre le premier et le deuxième thème devient le thème principal puissant et concentré du finale. Autant l’oeuvre rompt le cadre des usages classiques quant à son contenu et à sa forme, autant sa distribution reste dans la tradition de Beethoven.

La première version de la Symphonie en ut mineur fut composée à Linz dans les années 1865 et 1866, pendant lesquelles Bruckner révisa fondamentalement l’Adagio ainsi que le Scherzo. Le Finale fut le premier mouvement â être définitivement mis au point, un mode de travail qui devint presque une règle pour Bruckner par la suite. Du fait de son caractère grossier, le compositeur disait à propos de ce dernier mouvement: «Je m’suis fichu de tout et j’ai composé comme ça m’est venu!» Il appelait sa première Symphonie officielle
[«ein keckes Beserl» - ]„un petit polisson“ [ou „une petite fille coquine“ -] et affirmait: «Jamais, je n’ai été aussi audacieux et impertinent, je composais à l’époque comme un fou amoureux et je défiais le monde entier...».

Deux jours après la première représentation qu’il avait dirigé lui-même le 9 mai 1868 dans la «Redoutensaal» de Linz, il rapportait dans une lettre adressée à son ami Rudolf Weinwurm: «Elle fut très bien accueillie; comme elle a nécessité de nombreuses répétitions et que le concert n’a été entendu que par l’aristocratie, je dois bien entendu payer de ma propre poche.» Le public qui connaissait parfaitement le jeu d’orgue hardi de l’organiste de la cathédrale, réagit avec un certain embarras et une égale surprise aux sons inhabituels de cette oeuvre imposante.

Par la suite, Bruckner ne relégua pas la partition dans ses tiroirs mais continua à y travailler de temps à autre: dès 1868, au cours des répétitions précédant la création, il y ajouta divers signes d’interprétation; en 1877, il révisa la structure périodique de l’oeuvre, adjoignit des mesures supplémentaires au premier mouvement, abrégea le finale et en perfectionna la sonorité.

Pendant l’année 1884, au cours de laquelle il emménagea à Vienne, il révisa l’Adagio. Toutes ces corrections ne transformèrent pas fondamentalement l’oeuvre. En 1889, une représentation semblait à portée de la main, en effet il rapporta à Léopold Hofmeyer: «Cher ami! ... Hans Richter, le maître de chapelle de la cour, s’est on ne peut plus enthousiasmé pour ma première Symphonie. Il est parti à la hâte avec ma partition qu’il veut faire copier afin de jouer l’oeuvre dans un des Concerts philharmoniques, après qu’il m’eut embrassé en pleurant, et m’eut prophétisé l’immortalité. Je suis époustouflé!» Par la suite, le compositeur qui venait de terminer la deuxième version de sa huitième Symphonie semble avoir eu de sérieuses hésitations, car il écrit le 30 octobre 1890 à son ami Theodor Helm, critique viennois, que c’est de sa faute si l’orchestre philharmonique n’a encore rien joué de lui. «Le petit polisson (première Symphonie), je le leur ai retiré...». Il rédigea une version entièrement nouvelle de sa première Symphonie, un travail qui devait l’empêcher pendant plus d’une année de continuer sa neuvième Symphonie commencée dès octobre 1887. Cette version «viennoise», 'intitulée d’après le lieu de sa composition, fut écrite entre le 12 mars 1890 et le 18 avril 1891; comme d’habitude, il commença par le finale.

Le schéma fondamental de la Symphonie n’avait pratiquement pas varié, et son caractère était également conservé - à l’exception de quelques éléments secondaires -, mais Bruckner entreprit des changements sensibles quant à de nombreux détails touchant à la composition, à la forme, au son et à la technique. La première Symphonie profite ainsi de l’expérience de l’oeuvre des vieux jours, sans perdre son ardeur de jeunesse. Hans Richter dirigea la première représentation de la nouvelle version lors du troisième Concert philharmonique le 13 décembre 1891 dans la grande salle du «Musikverein» à Vienne. Bruckner écrivit à ce propos au chef d’orchestre berlinois Siegfried Ochs: «... la première Symphonie en ut mineur (j’en ai trois dans cette tonalité - les symphonies numéro I, II et VI), a remporté un énorme succès au cours du Concert philharmonique. C’est une de mes symphonies les plus difficiles, une des meilleures aussi. Hans Richter est secrètement (à cause de Hanslick) tout feu tout flamme pour l’oeuvre. Au début, l’orchestre déclara que c’était l’oeuvre d’un fou; ensuite il la trouva extraordinaire. Hanslick n’écrivit rien du tout. Cette symphonie est difficile à comprendre si on ne l’entend qu’une fois, mais fait un effet considérable.»

Bruckner dédia la version «viennoise» de sa première Symphonie à l’Université de Vienne en remerciement pour la collation de docteur honoris causa.
[...]"

Le premier mouvement s'ouvre sur une sorte de marche qui vient du lointain et s’enfle, avec des détails d’orchestration qui annoncent le style de Mahler, inquiète, presque macabre; puis le second thème s'élève: beau chant large, d'inspiration assez wagnérienne — rôle expressif du chromatisme; vient ensuite un troisième thème: développement énergique, souvent véhément. L'Adagio du second mouvement est d’abord pondéré, il devient chaleureusement expressionniste, avec de très fraîches séquences où passe l'écho diaphane du prélude de Lohengrin. Le Scherzo du 3e mouvement - d'une fougue échevelée - est violent, emporté, tranché, qui a parfois des allures de chevauchée fantastique; en contraste: la douceur du court trio. Le long Finale est fantasque, vigoureux, fier, impulsif, avec des poussées de fièvre, lyrique ou dramatique tour à tour - le tout d'une puissance triomphale.

Pour une analyse des 4 mouvements, voir par exemple cette page en français de Wikipedia.


L'enregistrement proposé sur cette page provient des archives de la «Süddeutsche Rundfunk (SDR)», qui a fusionné en 1998 avec la «Südwestfunk (SWF)» pour former l'actuelle «Südwestrundfunk (SWR)».

Hans MÜLLER-KRAY, lieu, date et photographe inconnus
Hans MÜLLER-KRAY, lieu, date et photographe inconnus
Hans MÜLLER-KRAY dirige l'Orchestre Symphonique de la Radio de l'Allemagne du Sud, dont il était à cette époque le chef titulaire. Il s'agit d'une prise de son du 21 mars 1963, Villa Berg, Stuttgart.

Voici donc...

Anton Bruckner, Symphonie No 1 en ut mineur (version de Linz 1877 avec revisions - Ed. Robert Haas [1935]), Orchestre Symphonique de la Radio de l'Allemagne du Sud (Sinfonieorchester des Süddeutschen Rundfunks), Hans Müller-Kray, 21 mars 1963, Villa Berg, Stuttgart

   1. Allegro                                12:56 (-> 12:56)
   2. Adagio                                 13:32 (-> 26:28)
   3. Scherzo: Lebhaft – Trio: Langsam       07:54 (-> 34:22)
   4. Finale: Bewegt und feurig              15:02 (-> 49:24)

Provenance: Radiodiffusion

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En écoute comme fichier mp3 320 kbps

1. Allegro
2. Adagio
3. Scherzo: Lebhaft – Trio: Langsam
4. Finale: Bewegt und feurig