Sergei RACHMANINOW
Concerto pour piano no 3 en ré mineur, op. 30
Aldo CICCOLINI, piano
Orchestre Philharmonique de la RTF
Zubin MEHTA
5 septembre 1963, Théâtre Municipal de Besançon
La création des grandes oeuvres concertantes de Rachmaninow se répartit entre trois périodes nettement distinctes: les trois premiers concertos voient le jour en Russie (concerto No 1, entre 1889 et 1892, concertos No 2 et 3 entre 1900 et 1909), le concerto No 4 et la rhapsodie, quant à eux, durant son exil aux États-unis et en Suisse, soit vers 1918 resp. 1943.
Composé pour sa première tournée américaine en 1909, "[...] véritable Himalaya de la littérature pour piano, le Troisième Concerto de Rachmaninov représente aux yeux du mélomane une oeuvre qui ne suscite que des superlatifs: c’est le concerto le plus difficile, le plus lyrique, le plus romantique, le plus russe qui soit. [...]" (1)
Il fut donné en première audition à New York, le 28 novembre 1909, par l’auteur au piano et l’Orchestre symphonique de New York sous la direction de Walter Damrosch; un peu plus tard, le 16 janvier 1910, ce fut un concert sous la baguette de Gustav Mahler: plus tard, Rachmaninow confiera à Vladimir Horowitz - qui contribua pour beaucoup à la popularité des oeuvres de Rachmaninow - qu'excepté lors du concert dirigé par Mahler, elle avait été en fait froidement accueillie par la critique et le public qui la trouvaient «trop compliquée». «C’est de la bonne musique, convenable, mais sans rien de vraiment grand ni de vraiment mémorable» fut la critique du New York Sun après la première.
L'oeuvre est tellement difficile, que "[...]son dédicataire, Josef Hofmann, qui jouissait d’une réputation internationale de virtuose, ne voulut jamais la jouer. La petite taille de ses mains lui rendait certainement l’exécution des passages difficiles malaisée; toujours est-il qu’il gratifia la partition d’un jugement dédaigneux, y voyant «une courte mélodie constamment interrompue de passages difficiles; plus une fantaisie qu’un concerto. Pas assez de forme». Dans les pas du compositeur, c’est Vladimir Horowitz qui donna ses lettres de noblesse au Troisième Concerto.[...]" (1)
Il "[...] présente des textures pianistiques foisonnantes et d’une grande souplesse, qu’un chromatisme insinuant irise de mille nuances. S’opposant à cette richesse sonore, le thème principal, dans sa simplicité archaïsante, s’impose comme une image vénérable et sacrée. Les timbres de l’orchestre, sonorités ouatées et laiteuses des cordes en sourdine, bois acidulés et naïfs, cors mélancoliques et profonds, offrent un écrin somptueux au soliste, dans une palette héritée de Tchaïkovski. Piano et orchestre fusionnent dans des tutti d’une plénitude et d’une intensité émotionnelles inégalées, expression d’un romantisme tardif bientôt menacé par les coups de boutoir d’un Stravinsky ou d’un Prokofiev[...]" (1)
"[...] «Le premier thème de mon Troisième Concerto n’est emprunté ni au chant populaire, ni à la musique d’église, affirmait Rachmaninoff. Il s’est tout simplement “composé lui-même”! [Je] ne pensais qu’à la sonorité. Je voulais “chanter” la mélodie au piano […] et lui trouver un accompagnement adéquat… Rien de plus!» Ce «rien de plus» constituera la base d’un premier mouvement intensément habité, marqué par la maîtrise considérable du travail mélodique malgré des allures profondément rhapsodiques. Cet Allegro ma non tanto liminaire à la trajectoire efficiente ouvre au chaud lyrisme d’un mouvement lent au climax patiemment construit puis à la vigueur d’un finale tourbillonnant et volubile qui récapitule les mouvements précédents tout en ouvrant de nouvelles portes stylistiques. [...]" (2)
Dans le mouvement lent, Rachmaninow adopte pour la première fois un long prélude orchestral faisant dialoguer les cordes et les bois avant l’entrée du piano: cet Intermezzo, "[...] page de transition au charme mélancolique, introduit dans l’oeuvre une sève mélodique issue de la chanson lyrique paysanne russe. Ce thème, présenté dans un coloris de bois tchaïkovskien, est suivi de libres variations, principalement données par le piano. Une énergique transition vers le finale convoque les forces instrumentales et scande impérieusement le rythme pointé du motto. Ce dernier est également présent dès les premières mesures du finale, marquant ainsi les parentés entre les mouvements extrêmes du concerto. L’aspect rythmique du motto génère un jeu pianistique bondissant et volubile. Brillant, divertissant, ce finale marque également le sommet du lyrisme romantique déployé dans la partition, et fait apparaître des trouvailles avant-gardistes, qu’un Prokofev et un Bartók sauront faire fructifer.[...]" (2)
Zubin METHA et Aldo CICCOLINI au début des années 1960
Le 5 septembre 1963, au Théâtre Municipal de Besançon, une rencontre particulièrement remarquable entre Aldo CICCOLINI et Zubin METHA, car cet enregistrement - heureusement préservé dans les archives de la Radio Française resp. de l'INA - semble être le seul document existant de cette oeuvre avec Aldo Ciccolini.
Voici donc...
Sergei Rachmaninow, Concerto pour piano no 3 en ré mineur, op. 30, Aldo Ciccolini, piano, Orchestre Philharmonique de la RTF, Zubin Mehta, 5 septembre 1963, Théâtre Municipal de Besançon
1. Allegro ma non troppo 15:44 (-> 15:44)
2. Intermezzo: Adagio – Attaca subito
3. Finale: Alla breve 23:55 (-> 39:39)
Provenance: Radiodiffusion, Archives RTF resp. INA