Maurice Ravel composa ses deux concertos pour piano - celui en sol majeur et celui „pour la main gauche“ - simultanément, en 1930-1931 (*): "[...] Mon seul désir a été d’écrire un concerto véritable, c’est-à-dire une oeuvre brillante, mettant pleinement en valeur la virtuosité de l’exécutant, sans chercher à montrer de la profondeur. J’ai pris modèle pour cela auprès des deux musiciens qui, à mon avis, ont le plus illustré ce genre de composition: Mozart et Saint-Saëns. C’est ainsi que ce concerto, que j’avais songé tout d’abord à intituler «Divertissement», comprend les trois parties habituelles: à un allegro initial, d’un classicisme serré, succède un adagio avec lequel j’ai voulu rendre un hommage particulier à la scolastique et que je me suis efforcé d’écrire le mieux possible: pour finir, un mouvement vif en forme de rondo, également conçu selon les traditions les plus immuables. Afin de ne pas charger inutilement la trame orchestrale, j'ai eu recours à un effectif d'orchestre réduit: au quintette habituel des cordes s’adjoignent seulement une flûte, la petite flûte, un hautbois, le cor anglais, deux bassons, deux cors, une trompette, un trombone.[...]" Maurice RAVEL dans «Quelques confidences du grand compositeur Maurice Ravel» de Pierre LEROI, Quotidien Excelsior, 30 octobre 1931, page 1, colonne à droite et page 3, 2e colonne.
[*] Une lettre du 20 décembre 1929 au chef d’orchestre Serge Koussevitzky révèle que le compositeur travaillait à ses deux concertos en même temps qu’à une troisième oeuvre: «D’ailleurs, ce Concerto [en sol majeur] est loin d’être fini. Comme toujours, je travaille à plusieurs choses en même temps: à un autre Concerto, celui-ci pour la main gauche et même, depuis quelques jours, à un poème symphonique. C’est peut-être cet outsider qui arrivera au poteau.» cité de l'ouvrage de Arbie ORENSTEIN «Maurice Ravel, Lettres, écrits, entretiens», Paris, Harmoniques/Flammarion, 1989. L’«outsider» fut finalement délaissé au profit des deux magnifiques concertos pour piano, dont les effets s’opposent à l’extrême.
Bien qu’ayant apparemment composé cette oeuvre pour Marguerite Long, Maurice Ravel s’entêta jusqu’à la dernière minute pour la jouer lui-même lors de la première. De santé fragile vers la fin des années vingt, le compositeur ne put toutefois jouer lors de la premiere représentation (14 janvier 1932, Orchestre Lamoureux, Salle Pleyel), mais dirigea l’oeuvre avec Marguerite Long au piano.
Le Concerto en Sol, «celui qui n’est pas pour la main droite seule», selon un Ravel plein d’humour, est une claire proposition classique en trois mouvements:
"[...] Dans le premier mouvement se mêlent le style «toccata» et le «jazz américain» alors en vogue: du blues au fox-trot, c’est aujourd’hui pour nous un déroulement d’images du style «rétro» le plus parfait, d’un goût impeccable et distant. Une «cadenza» douce-amère conclut cet Allegramente initial, elle reflète de très loin, comme dans la froideur glacée d’un miroir, celle du Concerto pour la main gauche.
Le second mouvement est voué au rêve: au reflet du rêve, au rêve raconté. Le contrôle de l’esprit omniprésent ne censure pas les fantasmes, il leur assure simplement une perfection formelle. De variation en variation, le piano solo déroule ses longues guirlandes oniriques, superpose — «rythme dans rythme» — des pulsations ternaires de sarabande et de valse noble. Planant dans l’aigu, la broderie semble ne jamais devoir s’interrompre: continuité parfaite, fût-elle élaborée, selon Ravel «à grand-peine» , en s’aidant «deux mesures par deux mesures» du Quintette avec clarinette de Mozart.
Le Presto soudain déchaîne son «motorisme», grande obsession de l’époque 1930. Nous retrouvons le «jazz américain» et ses battements syncopés, ses glissandos de trombone, ses «chorus» d’instruments à vent entre lesquels s’insèrent, martelées par le soliste, les «dissonances» savoureuses d’une époque qui savait les entendre, les goûter. Brutalement, le piano déchaîne un «presto dans le presto» — course endiablée où l’orchestre est entraîné jusqu’au feu d’artifice et jusqu’à la coupure finale. [...]" cité d'un texte d’André BOUCOURECHLIEV, livret du CDC 7 47386 2 paru chez EMI.
L'interprétation proposée sur cette page fut enregistrée par la Radio de Stuttgart le 10 octobre 1969, avec la jeune - mais déjà très célèbre - Martha ARGERICH en soliste, accompagnée par le «Südfunk Sinfonieorchester Stuttgart» sous la direction de Peter MAAG.
Peter MAAG, photo de presse Decca, lieu, date et photographe inconnus
Voici donc...
Maurice Ravel, Concerto pour piano et orchestre en sol majeur, M 83, Martha Argerich, Südfunk Sinfonieorchester Stuttgart, Peter Maag, 10 octobre 1969