Anton Webern composa ses „Cinq pièces pour orchestre“, op. 10, vers 1911-1913, utilisant la technique de la «Klangfarbenmelodie» - „mélodie de timbre et de couleurs“. Cette technique avait été inaugurée peu auparavant par Arnold Schoenberg, dans la troisième de ses Cinq pièces pour orchestre op 16 (1909). Anton Webern l'utilisa à partir de ses Six pièces pour orchestre op.6, soit dès 1910. À cette époque, il n'employait pas encore la méthode de composition à douze sons, qui n'apparaîtra dans ses compositions que beaucoup plus tard, avec ses Lieder op. 17-19 (1924-1926).
Les „Cinq pièces pour orchestre“ ne furent publiées qu'en 1923, et données en première audition en juin 1926 au festival de l'ISCM (Société Internationale de Musique Contemporaine) à Winterthur, sous la direction du compositeur.
"[...] La dénomination „pour orchestre“ prête à confusion dans la mesure où l'ensemble instrumental est entièrement composé de solistes et, bien qu'en nombre réduit, ne correspond pas au concept d'orchestre de chambre. Chaque pièce est formée de différentes combinaisons d'instruments solistes, dont certains sont inconnus en tant que composants d'un quelconque orchestre. Ainsi, l'Opus 10 emploie un harmonium, une guitare et une mandoline, ainsi que sept instruments à vent (pas de basson) et une section de cordes limitée à quatre instruments solistes, violon, alto, violoncelle, basse, en plus d'un duo de célesta et de harpe, et huit instruments de percussion, dont des cloches de vache. Les sonorités de cloches provenant des harmoniques des cordes et de la harpe et les notes aiguës du célesta produisent une atmosphère de village de montagne. Il est clair que Webern souhaitait ajouter de nouvelles couleurs à sa palette et éviter l'ensemble orchestral classique, les cordes et les paires d'instruments à vent. L'aspect le plus radical de l'Opus 10 réside toutefois dans l'extrême brièveté et le caractère succinct de ses cinq pièces, qui ne durent au total que quatre minutes et demie. La plus courte d'entre elles, la quatrième, ne dure que dix-neuf secondes.
La première audition, à Zurich, le 22 juin 1926, sous la direction de Webern lui-même, fit sensation, ce qui se répéta partout où l'oeuvre fut jouée. En outre, elle attira l'attention sur le nom du compositeur: des chefs d'orchestre qui ne s'intéressaient pas à la musique d'avant-garde et expérimentale, comme Koussevitzky à Boston, se sont empressés d'inclure l'oeuvre dans leurs programmes.
Webern n'a laissé que peu d'indices sur ses intentions programmatiques, bien que sa lettre à Schoenberg du 10 septembre 1912, dans laquelle il déclarait qu'il composait une série de mouvements „appartenant les uns aux autres“, soit éclairante, tout comme son aveu qu'il ne souhaitait „donner aucune explication programmatique de la musique“, mais simplement indiquer „les sentiments qui le gouvernaient lorsqu'il composait“.
Il avait imaginé des titres pour les Cinq Pièces, mais les a ensuite dissimulés. L'auditeur suivra les multiples humeurs de Webern, les changements de couleurs kaléidoscopiques, et ressentira l'atmosphère rurale de l'ensemble, les qualités pastorales et, surtout, l'amour de Webern pour les sons de cloches et de clochettes. [...]"
Bruno Maderna, Paris, salle Pleyel, mai 1965, une photo citée du défunt site ParisEnImages, Boris Lipnitzki / Roger-Viollet
L'enregistrement proposé sur cette page provient des archives de la «Süddeutsche Rundfunk (SDR)», qui a fusionné en 1998 avec la «Südwestfunk (SWF)» pour former l'actuelle «Südwestrundfunk (SWR)». Dans cette prise de son datant de novembre 1966, Bruno MADERNA dirige un ensemble de l'Orchestre Symphonique de la Radio de l'Allemagne du Sud. Comme ces 5 pièces sont très courtes, j'ai laissé le tout dans un seul fichier. D'après les bruits de pupitre entre les différents pièces, il doit s'agir d'un enregistrement fait en concert.
Voici donc...
Anton Webern, Cinq pièces pour orchestre, op. 10, Orchestre Symphonique de la Radio de l'Allemagne du Sud (Sinfonieorchester des Südwestfunks), Bruno Maderna, novembre 1966
1. Urbild. Sehr ruhig und zart
2. Verwandlung. Lebhaft und zart bewegt
3. Rückkehr. Sehr Langsam und äusserst ruhig
4. Erinnerung. Fliessend, äusserst zart
5. Seele. Sehr Fliessend 04:33