Claude DEBUSSY
Sonate No 2 pour flûte, alto et harpe, L 145
Aurèle NICOLET, flûte
Ulrich KOCH, alto, Ursula HOLLIGER, harpe
1966, Studio H. Jansen, Stuttgart-Botnang
Pour une courte introduction sur les trois sonates de Claude DEBUSSY publiées sur le disque WERGO WER 60 025, voir cette page de mon site.
La seconde Sonate, pour flûte, alto et harpe en fa majeur, L 145, est l'une des derniéres grandes oeuvres de Debussy, et l’une des plus inhabituelles. Elle est de peu postérieure à la première, puisque composée de fin septembre au début d’octobre 1915. "[...] Elle fut destinée d’abord à la flûte, au hautbois et à la harpe, et doit à son instrumentation définitive, avec le choix de l’alto remplaçant le hautbois, son caractère «affreusement mélancolique». Debussy ajoutait également: «Je ne sais pas si l’on doit en rire ou en pleurer, peut- être les deux?». Il est certain que les trois instruments marient leurs timbres admirablement, en un alliage subtil entre liberté du propos et de la structure, lyrisme et sensualité. Beaucoup tiennent cette partition pour le chef-d’oeuvre suprême du compositeur - dans tous les cas la plus belle des trois Sonates. La première audition publique en fut donnée le 10 décembre 1916 à Paris (selon l’auteur, une exécution privée en aurait eu lieu auparavant). Elle fut publiée, la même année, chez Durand. [...]" François-René TRANCHEFORT, Guide de la musique de chambre, Librairie Arthème Fayard 1989, pages 263-264.
L'oeuvre révèle "[...] un coloris chatoyant par le choix même des instruments. Les principes compositionnels fondamentaux sont ici la linéarité et la composition sonore, et la linéarité s’entend sous une signification multiple: il ne s’agit pas seulement d’une intonation de la ligne mélodique mais la sérialisation des sons prend également un aspect linéaire. Les nombreuses arabesques de l’oeuvre possèdent aussi une double fonction: elles peuvent représenter une valeur mélodique ou purement sonore. Une telle intégration des différents éléments de la composition ne provoque pas uniquement une densité extraordinaire du tissu sonore, qui prend aussi de la valeur grâce à l’adaptation idéale des trois timbres instrumentaux; la texture rythmique ne se densifie pas moins: la dynamique des surfaces sonores et les arabesques exigent une rythmique différenciée jusque dans les moindres valeurs. [...]" cité des notes publiées au verso de la pochette du disque WERGO WER 60 025.
Une courte description de ses trois mouvements:
"[...] 1. PASTORALE: le premier mouvement instaure d’emblée une atmosphère commune aux trois parties qui le constituent. La flûte propose le déroulement fluide d’un premier élément thématique [...] Le ton principal de fa majeur n’est atteint qu’à la neuvième mesure, — à travers une cadence et une quinte à vide de l’alto. Diverses modulations de si bémol, fa majeur et la mineur mènent à la dominante ut, — sur quoi débute la partie centrale marquée «vif et joyeux». Puis, reprise de la première partie dans un ordre complètement modifié, et affirmation définitive du ton de fa (avec mi ajouté), — comme une interrogation étonnée au terme de cette idylle un peu triste.
2. INTERLUDE (TEMPO DI MINUETTO): mouvement de menuet lent, qu’animent la liberté des mélismes ainsi que la hardiesse des harmonies. Le thème, un peu langoureux, repose sur la dominante de fa mineur; on passe toutefois, sans beaucoup tarder, au ton de ré bémol majeur. Une sorte de trio central, en si majeur, fait contraste grâce aux ornementations de la flûte. C’est la harpe qui reprendra brièvement le thème de menuet, de l’épisode en si majeur, puis une coda sur le thème de menuet, en fa mineur, dont la harpe égrène l’accord. La pièce est conclue, comme en suspens, sur un unisson des trois instruments.
3. FINALE: malgré le ton de fa mineur, l’atmosphère de cet „Allegro moderato ma risoluto“, rythmiquement vigoureux, est enjouée. La flûte s’élance tel un oiseau dans le ciel, et la harpe grésille dans la chaleur d’une belle journée d’été. Après des incursions vers la bémol, puis ré bémol, s’engage une sorte de développement en si bémol mineur au terme duquel la flûte — «lointain» — amorce le thème d ’un épisode „Un poco più mosso“ en ré mineur modal. Puis on atteint une superposition d’harmonies polytonales sur le premier élément mélodique de ce finale. La reprise a lieu en fa mineur; mais c’est une joie dionysiaque qui éclate en majeur, brièvement interrompue par un rappel discrètement nostalgique de trois mesures de la Pastorale du début de l’oeuvre. [...]" François-René TRANCHEFORT, référencié plus haut.
1. Pastorale 06:28 (-> 06:28)
