Johann Sebastian BACH
Capriccio «sur le départ de son frère bien-aimé» en si bémol majeur, BWV 992
Frank PELLEG
clavecin Neupert, 16-19 mai 1956
Ducretet-Thomson 300 C 032
Johann Sebastian Bach a composé deux oeuvres intitulées «Capriccio» qui nous ramènent à l’époque où il était encore adolescent, entre 1702 et 1706: le Capriccio «sopra la lontananza de il fratro dilettissimo», BWV 992, et le Capriccio BWV 993, sous-titré «in honorem Johann Christoph Bachii Ohrdrufiensis».
Selon une tradition bien établie, le Capriccio sous-titré „sopra la lontananza del suo fratello dilettissimo“, BWV 992, aurait été composé à l'occasion du départ de son frère Johann Jakob - de 3 ans son aîné, auquel il était très lié -, pour la Suède, embauché en tant qu'hautboïste de la garde d'honneur de Charles XII. L'oeuvre a certainement été écrite avant 1705, lorsque Johann Christoph l'a copiée (il n'existe plus de partition autographe).
Remarquables sont les sous-titres programmatiques (voir plus bas), totalement atypiques pour la musique purement instrumentale de Bach: ils nous sont restés connus grâce à la copie faite par Johann Christoph Bach. Il est probable que c'est lui qui compléta le sous-titre avec „del suo fratello dilettissimo“.
Johann Sebastian BACH, portrait fait par Elias Gottlob HAUSSMANN, env. 1730
C'est l’une des plus étranges compositions de Johann Sebastian Bach, qui n'est en fait probablement pas liée au départ de son frère aîné, Johann Jakob: "[...] Dans son ouvrage «Johann Sebastian Bach: The Learned Musician» (New York, 2000), Christoph Wolff avance l’hypothèse que, pour diverses raisons, les adieux étaient plus probablement destinés à un ami, Georg Erdmann sans aucun doute, avec lequel il partit pour Lüneburg. La date de composition serait alors avancée de deux ans. Seule musique à programme (soit attachée à une histoire spécifique) de l’ample catalogue bachien, cette oeuvre illustre à quel point le jeune compositeur de dix-sept ans était déjà doué d’une imagination vivide et d’un talent immense.
Les six mouvements soulignent les éléments du récit: dans le premier, une mélodie tendre et suppliante dresse le portrait de ses amis essayant de le détourner de ce voyage.
Au cours du passage peut-être le moins inspiré de l’oeuvre (une courte fugue), ils le mettent en garde contre les divers accidents qui peuvent lui arriver dans les pays étrangers.
N’étant pas parvenu à le dissuader, ils entonnent une lamentation sur son départ imminent. Noté «Adagissimo» ce mouvement est élaboré sous la forme d’une passacaille et requiert la réalisation de la basse chiffrée. La tonalité de fa mineur est par ailleurs prophétique puisqu’il l’utilisera plus tard dans une partie de sa musique la plus expressive et poignante.
Le quatrième mouvement (dont le début appelle sûrement quelques ornementations) dépeint ses amis qui se résignent à le voir partir et viennent lui dire adieu.
Puis le postilion arrive, faisant entendre son cor (traduit musicalement par les sauts descendants d’une octave). La pièce se conclut par une fugue associant les deux motifs: le sujet suggère les fanfares de trompettes et le contre-sujet imite le son du postilion. Hubert Parry décrit ce Capriccio comme «la pièce la plus habile et virtuose du genre que le monde ait jamais vu à cette époque là». Il s’agit certainement d’une oeuvre unique dans la production de Bach. [...]" cité d'un texte d'Angela HEWITT - dans une traduction d'Isabelle BATTIONI - publié en 2001 chez Hyperion.
Recto de la pochette du disque Ducretet-Thomson 300 C 032
Frank PELLEG enregistra les BWV 903, 992, 971 et 912 du 16 au 19 mai 1956 (d'après la discographie de Michael GRAY) pour Ducretet-Thomson, sur un clavecin Neupert, elles furent publiées sur le disque Ducretet-Thomson 300 C 032:
Sur le clavecin Neupert utilisé pour ces enregistrements, Roger COTTE écrit au verso de la pochette du disque:
"[...] les quatres ouvrages [...] ici enregistrés ne peuvent être convenablement restitués que sur l'instrument pour lequel ils furent conçus. Un clavecin ayant appartenu à Bach et qui aurait été construit suivant ses indications est conservé au musée de Berlin. Cet instrument comprend deux claviers et quatre rangs de cordes (2 rangs de 8 pieds (octave normale), un rang de 4 pieds (octave supérieure de la note écrite) et un rang de 16 pieds (octave inférieure de la note écrite, extrêmement rare à l'époque). Au moyen de registres, on pouvait isoler n'importe lequel de ces rangs de cordes (ou jeux) ou, en accouplant les deux claviers (comme à l'orgue), les faire entendre simultanément pour les effets de Forte. Un registre complémentaire de Luth permettait d'obtenir (par le moyen d'un léger drap effleurant les cordes) un effet de sourdine. Cette disposition, à quelques facilités mécaniques secondaires près, est celle des clavecins de concert les plus modernes. [...]"
Voici donc...
Johann Sebastian Bach, Capriccio «sur le départ de son frère bien-aimé» en si bémol majeur, BWV 992, Frank Pelleg, clavecin Neupert, 16-19 mai 1956
1. Arioso: Adagio 02:02 (-> 02:02)
«Ist eine Schmeichelung der Freunde, um denselben
von seiner Reiseabzuhalten»
2. Andante 01:40 (-> 03:42)
«Ist eine Vorstellung unterschiedlicher Casuum,
die ihm in der Fremde könnten vorfallen»
3. Adagiosissimo 02:50 (-> 06:32)
«Ist ein allgemeines Lamento der Freunde»
4. Andante con moto 01:02 (-> 07:34)
«Allhier kommen die Freunde (weil sie doch sehen,
dass es anders nicht sein kann) und nehmen Abschied»
5. Aria di postiglione. Allegro poco 01:22 (-> 08:56)
6. Fuga all'imitazione della cornetta di postiglione 02:57 (-> 11:53)