Conçue à l'automne 1889, la partition fut achevée fin 1890; dédiée au peintre Henry Lerolle, son beau-frère, l'unique symphonie d'Ernest Chausson fut donnée en première audition à la Société Nationale de Musique, salle Érard, le 18 avril 1891 sous la direction du compositeur. "[...] cette oeuvre maîtresse [...] révèle le mieux la personnalité du compositeur et sa place déterminante dans l'évolution de la musique symphonique française du XIXe siècle: personnalité fortement indépendante, un peu sévère et hautaine, encline à certain pessimisme, cependant généreuse (son dévouement à Debussy, à Albeniz, par exemple), parfaitement libérale et accessible aux enthousiasmes. Ces traits de caractère trouvent leur reflet dans la Symphonie qui, par ailleurs, semble fusionner les principes de l'école franckiste et les acquis wagnériens, et annoncer l' «impressionnisme» musical en gestation. [...]" cité du Guide de la musique symphonique édité par François-René Tranchefort
"[...] Chausson, dans sa musique d’orchestre, était d’une sobriété absolue de moyens, très peu «moderniste», pas du tout décadent; sa pensée ramifiait autour de l’idée musicale un nombre souvent assez grand de corollaires, mais les complications thématiques n’avaient jamais la valeur de hors-d’oeuvre intéressants pour eux-mêmes. [...]
La Symphonie en si bémol [...] fut son passage de l’essai à la plénitude expressive. Cette vaste composition restera avec le Quatuor et le Concert parmi les oeuvres considérables produites par la musique française du dernier tiers du XIXe siècle. Elle a l’ordonnance simple et majestueuse, la grâce noblement archaïque des décorations murales de Puvis de Chavannes. C’est le même art, le même classicisme, la même tranquillité maîtresse dans le développement des lignes, la même coloration irréelle, douce et touchante.[...]" cité de l'étude que Camille Mauclair consacra à Ernest Chausson, son ami et collaborateur.
La symphonie "[...] est fortement et sobrement charpentée. À travers l’atmosphère héroïque du début, la sensibilité exaltée de l'adagio, la force et l’éclat de la dernière partie, la paix lumineuse du dénouement, la pensée directrice n’est jamais perdue de vue. Si des incidents et des parenthèses viennent s’y adjoindre, ce n’est que pour la consolider et en faire plus nettement ressortir le caractère. C'est là, semble-t-il, ce qui contribue le plus à faire de ces pages une oeuvre qui marque une époque dans l’histoire de la musique française moderne. Cette continuité du fil conducteur, cette maîtrise d’esprit créateur se rappelant d'où il est parti et sachant où il veut aller, voilà ce qu’on ne trouve pas toujours chez les symphonistes de notre temps. Souvent ceux-ci amoncellent des richesses éparses devant lesquelles on a quelque peine à se ressaisir. Avec Ernest Chausson, comme du reste avec Franck et d'Indy et l’école qu’ils représentent, c’est dans une ordonnance parfaite que l’on admire les trésors de leurs idées, et l’on ressent l’impression d’art dans sa forme à la fois la plus claire et la plus complète. [...]" cité de la brochure-programme d'un concert donné le 7 mars 1925 au Victoria Hall de Genève par l'Orchestre de la Suisse Romande sous la direction d'Ernest Ansermet.
Une courte description:
"[...] Le premier mouvement noté Lent est en Si bémol majeur, à 4/4 et en forme sonate. Cette partie commence par une introduction jouée par les clarinettes, les cors et les cordes basses. La musique s’intensifie peu à peu pour mener à la partie principale Allegro vivo. Après la présentation du premier thème animé par les bassons et les cors, la musique atteint son apogée dramatiquement. Le deuxième thème, plus lyrique, est en Fa dièse majeur. Le tempo devient Allegro scherzando dans le développement du premier thème et change à nouveau pour un tempo Allegro molto sur lequel sont développées les mélodies introduites dans l'exposition. La récapitulation revient au tempo Allegro vivo et le mouvement se termine sur une coda. [...]"
La partition autographe donne à penser que le mouvement central coûta beaucoup d'efforts au compositeur. Il se développe „selon un ample cérémonial d'une puissance et grandeur peu communes“ (Jean Gallois). "[...] Le thème principal apparaît dès le début, joué par les premiers violons et divers autres instruments dans les graves. Ce thème est constitué de la combinaison d'un motif anticipatif et d’un motif réponse sur lesquels va se développer la musique. Un thème lyrique est exposé dans la partie centrale par un cor anglais et un violoncelle seul. Les deux motifs sont ensuite repris et développés sur un tempo plus rapide. Le mouvement se termine après un retour au tempo original. [...]"
Le troisième mouvement constitue - suivant un principe franckiste - la récapitulation des thèmes et motifs entendus précédemment. "[...] Après une introduction au cours de laquelle les cuivres et les bois citent le premier thème, le tempo s'accélère pour le premier thème exposé dans une veine lyrique par les violoncelles et les contrebasses. Le deuxième thème en Ré majeur est magnifiquement exposé par tout l'orchestre. Suit une partie développement au cours de laquelle le premier thème du premier mouvement est repris avant développement du deuxième thème de ce troisième mouvement. Une récapitulation conduit à une coda à 4/4 notée Grave qui reprend le thème d'ouverture du premier mouvement. [...]" cité d'un texte de Satsuki Inoue, traduction de Didier Boyet, publié en 1990 dans la brochure du CD Denon 81757 3675 2.
Dans l'enregistrement de cette oeuvre proposé ici, Paul PARAY est à la tête de l'Orchestre Philharmonique de l'ORTF, une prise de son datant du 29 janvier 1971 faite en concert à Paris, Salle Pleyel.
Ernest Chausson, Symphonie en si bémol majeur, Op. 20, Orchestre Philharmonique de l'ORTF, Paul Paray, 29 janvier 1971, Salle Pleyel, Paris
1. Lent - Allegro Vivo 11:45 (-> 11:45)
2. Très Lent 07:18 (-> 19:03)
3. Animé 11:35 (-> 30:38)