Sergei PROKOFJEW
Concerto pour violon et orchestre No 1, Op. 19
Nathan MILSTEIN
Orchestre de la Suisse Romande
Ernest ANSERMET
19 octobre 1960, Victoria Hall, Genève
L'interprétation du Concerto pour violon et orchestre No 1, Op. 19, de Sergei PROKOFJEW proposée ici provient d'un concert donné au Victoria Hall de Genève le 19 octobre 1960 par l'Orchestre de la Suisse Romande placé sous la direction d'Ernest ANSERMET, avec Nathan MILSTEIN en soliste. Le concert fut retransmis en direct sur l'émetteur de Sottens de la Radio Suisse Romande, dans le cadre du traditionel concert du mercredi soir:
La courte présentation de ce concert que William RIME publia en page 45 de la revue Radio Je vois tout du 13 octobre 1960, No 41:
"[...] Après l'interprétation de la „Symphonie No 86“ de Haydn, nous entendrons par deux fois le soliste de la soirée. Nathan Milstein; en première partie du programme, le célèbre violoniste jouera Mozart, en seconde partie Prokofiev. Ces ouvrages méritent quelques instants d'attention. En effet, l'Adagio et le Rondo de Mozart inscrits au programme ont été écrits à cinq ans de distance l'un de l'autre et, tandis que le premier, qui porte le numéro de Kochel 261, est extrait d'un concerto pour violon, le second a été écrit isolément, en 1781 , et porte le numéro KV 373. Relevons une autre particularité encore: l'Adagio est écrit en mi majeur, le Rondo en ut majeur. Y aura-t-il transposition ou les deux tonalités seront-elles conservées, nous le saurons ce soir.
En ce qui concerne le „Concerto No 1“ de Prokofiev, nous nous trouvons également en présence d'un ouvrage aux aspects très différents. Commencé en 1913, il ne fut complété que huit ans plus tard.
L'Andante qui ouvre le „Concerto No 1“ est essentiellement lyrique et débute par l'exposé d'une très belle mélodie où le violon solo, très en dehors, se dégage sur un fond d'orchestre habilement contenu. Tout autre est le Scherzo vivacissimo, dans lequel le soliste doit mettre à contribution ses qualités de virtuose. Extrêmement brillant, mordant parfois, ce mouvement rappelle certaines cadences des concertos de piano. Le calme revient avec le dernier mouvement Moderato, à peine troublé par quelques pages plus mouvementées; le thème principal reprend ses droits tandis que l'orchestre, toujours plus discret, s'efface peu à peu jusqu'au point d'orgue final.
Le maître Ernest Ansermet terminera cette brillante soirée en dirigeant quelques extraits d'„Ibéria“ d'Albeniz, dont il n'est plus besoin d'évoquer la richesse de coloris et de rythmes, et que le chef de l'OSR a l'art, comme nul autre, de mettre en valeur, de faire vivre et respirer. [...]"
Le compte-rendu que Franz WALTER publia le lendemain du concert en page 9 du Journal de Genève:
"[...] ... Deux oeuvres exprimant le charme tendre et discret du classicisme viennois et deux oeuvres affirmant avec éclat leur caractère ethnique constituaient les deux parties très opposées du concert d'hier soir: Haydn et Mozart, d’une part, Prokofieff et Albeniz, d’autre part.
Sans doute est-ce au gré de la seconde partie que la conjonction des talents des interprètes atteignit à son équilibre le meilleur et à son rendement le plus authentique.
Nathan Milstein, notamment, avait eu la bonne idée de nous présenter le Concerto No 1 de Prokofieff, une oeuvre assez rarement au programme et amenant un renouvellement très agréable. Il s’agit d’une oeuvre de jeunesse pourtant, puisque composée en 1913 à l’âge de 22 ans (et publiée en 1921) , mais qui affirme déjà de manière étonnante la personnalité de Prokofieff. Une grande spontanéité, dont il ne témoignera pas toujours autant plus tard, traverse ces pages, où se découvre d’emblée ce parfum mélodique si particulier à l’auteur de „Pierre et le loup“, avec cette manière si savoureuse d’enrober ses thèmes. Seul le finale, à part sa belle péroraison, laisse quelque peu fléchir l’intérêt.
Je n’ai pas besoin de dire combien la partie violonistique apparut prestigieuse sous l’archet de Nathan Milstein qui sut en dégager, avec son aisance et sa vivacité coutumières tout le charme prenant comme aussi bien le dynamisme rythmique.
Peut-être la flexibilité d’expression de l'admirable violoniste nous apparaît-elle un peu moins proche de la tendresse de Mozart dont Milstein avait eu également la bonne idée de nous proposer deux pièces peu connues. Non qu’il faille les ranger parmi les particulières réussites de Mozart, mais il était intéressant d’apprendre à connaître cet Adagio en mi et ce Rondeau en ut, composés en deux occasions différentes pour le violoniste de la cour de l’archevêque de Salzbourg, Brunetti, et dont l’Adagio - que Brunetti voulait substituer à celui du concerto en la majeur - est traversé d’un incontestable souffle pathétique.
Ernest Ansermet, qui avait accompagné,avec un doigté parfait, Milstein dans le concerto de Prokofieff, comme d'ailleurs dans les pièces de Mozart, ouvrait le concert avec l’exquise symphonie No 10 en ré majeur de Haydn, que l’on aurait pu souhaiter plus souriante et terminait par quatre morceaux d’„Ibéria“ d’Albeniz - qui naquit il y a juste cent ans - morceaux orchestrés par Arbos et auxquels Ansermet conféra le plus juste esprit, concluant de manière colorée un concert qui, sans avoir été peut-être d’une grande densité, était d'un agrément certain. [...]"
Sergei Prokofjew, Concerto pour violon et orchestre en ré majeur No 1, Op. 19, Nathan Milstein, Orchestre de la Suisse Romande, Ernest Ansermet, 19 octobre 1960, Victoria Hall, Genève