En 1923, lorsque Sergei PROKOFJEW arriva à Paris, il se retrouva dans un monde musical qui était déjà devenu une nouvelle patrie pour nombre de ses compatriotes comme Igor Strawinsky ou bien encore le grand imprésario et fondateur des ballets russes Diaghilev. Le ballet jouant un rôle central à Paris, il est donc peu étonnant que Prokofjew ait lui aussi composé plusieurs ballets.
En 1924, sur une commande du choréographe Boris Romanov, Prokofjew composa une musique pour hautbois, clarinette, violon, alto et contrebasse afin d'accompagner un petit ballet en six tableaux sur le thème du cirque - dans le cadre d'un spectacle ambulant nommé „Trapèze“. Peu après, il reprit la musique du ballet dans deux pièces, ce Quintette, opus 39 (1924) et le Divertissement, opus 43 (1925-29).
Le compositeur écrivit: "[...] „J’ai accepté une commission pour la composition de pièces courtes pour une troupe ambulante qui désire clôturer sa représentation par de courts ballets dans le style de la musique de chambre, qui seraient joués par une formation d’environ cinq musiciens. J’ai décidé de composer pour les instruments suivants: hautbois, clarinette, violon, alto et contrebasse. Toutefois, cette histoire inspirée de la vie du cirque, Trapèze, n’était pas le facteur décisif dans ma composition pour musique de chambre, car elle pouvait également être interprétée en dehors de ce contexte. C’est pour cela qu’elle contient un certain nombre de sections rythmiques complexes, comme le passage de mesures en 10/8, dont le maître de ballet doit faire les frais. Le ballet Trapèze a cependant été joué et dans plusieurs villes d’Allemagne et d’Italie, où il a eu du succès.“.
Même lorsqu’il était encore tout jeune, Prokofiev essayait toujours d’établir son propre style, préférant se détourner des modes et des tendances contemporaines, ou tout au moins les accommoder à sa façon. Le Quintette Op. 39 en témoigne également. Bien qu’il dépeigne ici le Grotesque, thématique extrêmement prisée au début du 20ème siècle, Prokofiev parvient à le présenter alternativement comme une farce burlesque, une humoresque tourbillonnante ou une fantaisie méditative, ce que vient encore accentuer son langage tonal fréquemment composé de combinaisons de sons excentriques et de rythmes virtuoses.
Même lorsque le Quintette n’est pas interprété en tant que partie indispensable pour comprendre l’histoire du cirque, il est toujours possible d’imaginer les diverses situations sur la piste et autour d’elle. Il est donc peu surprenant que ce Quintette soit non seulement imprégné d’une joyeuse variété d’idées mais évoque également les moments de mélancolie des gens du cirque. [...]" Cité des notes de Selke HARTEN-STREHK, dans une traduction de Brigitte ZWERVER-BERRET, publiées en 2002 dans le livret du CD PentaTone classics PTC 5186 018.
Traduit des notes d'Irving KOLODIN publiées au verso de la pochette du disque Decca DL 8511:
«« Le premier mouvement (moderato) avec son thème et ses deux variations ressemble curieusement à l'épisode de l'orgue de barbarie du Petrouchka de Strawinsky, bien qu'il soit ici réalisé avec un minimum de ressources - hautbois, clarinette et trois cordes. L'entrelacement magistral des voix et l'utilisation ingénieuse des doubles jeux, des harmoniques, etc. dans les cordes permettent d'obtenir un effet plaintif et expressif remarquable. La première variation commence par une figure d'alto, à laquelle s'ajoutent successivement le violon, la clarinette et le hautbois. Elle se termine par une longue ritournelle, sur un accord de sol mineur. La deuxième variante, un Vivace plein d'entrain, conduit à une reprise du thème, tel qu'il était à l'origine.
Dans l'andante energico (une idée typiquement prokofjewienne d'une désignation de tempo), la contrebasse introduit d'abord une figure statique, ce qui donne un caractère de marche à l'ensemble du mouvement. D'un point de vue conceptuel, il s'agit davantage d'une série de variations que du mouvement précédent, même s'il n'en porte pas l'étiquette. En tant qu'expérience de textures, il persiste jusqu'à un traitement remarquablement intéressant de la cadence.
Pour ceux qui ne connaissent pas la partition de Gutheil, il convient de mentionner que l'Allegro sostenuto est publié de deux manières: d'abord, dans le 5/4 écrit par le compositeur, puis dans un “Simplificato“, arrangé en mesures successives de 3/8 et 2/4. Dans les deux cas, son but n'est certainement pas autre chose que de transmettre une humeur gaie, par le biais d'une écriture aux bois étrangement difficile. C'est probablement ce que Nestyev a à l'esprit lorsqu'il dénigre la “technique constructiviste complexe de ses mélodies développées simultanément“.
Une partie de l'étrange effet sonore de l'“Adagio pesante“ est créé par la directive que l'alto puis le violon exécutent “sul ponticello“ - c'est-à-dire avec l'archet sur le chevalet, un effet qui confère au son une qualité peu vibrante et bruyante. Les trente mesures sont, dans l'ensemble, une expérience captivante de colorations tonales et de valeurs dynamiques, s'élevant jusqu'à un double forte, puis s'éteignant à nouveau.
Le cinquième mouvement est un charmant scherzo, dans une veine typiquement prokofjewienne. Il présente même, dans son effet rythmique ostinato, une parenté avec le puissant deuxième mouvement de la cinquième symphonie, beaucoup plus tardive. Le retour à un fragment mélodique facilement reconnaissable dans le hautbois lie l'ensemble de la structure d'une manière très engageante. La coda est aussi inattendue qu'efficace.
Comme pour montrer qu'il pouvait exprimer des émotions très tangibles avec cette étrange combinaison d'instruments, Prokofjew se tourne vers un climat plus sobre dans l'Andantino final. Il commence comme un écho de “Tristan“ mais devient convaincant comme du Prokofjew jusqu'à une “cadence“ de contrebasse. Dans l'ensemble, il s'agit d'un exemple remarquable de pensée créative en matière de son, que personne n'a reproduit depuis plus d'un quart de siècle que l'oeuvre a été créée. »»
Les deux oeuvres de Sergei PROKOFJEW publiées sur ce disque Decca (USA) DL 8511 furent enregistrées le 25 avril (Op. 39) et le 4 octobre (Op. 34) 1950.
Dimitri MITROPOULOS dirige un petit ensemble nommé «The New York Ensemble of the Philharmonic Scholarship Winners»:
La première de ces deux oeuvres, le Quintette en sol mineur, Op. 39:
 
1. Theme - Variation I - Variation II - Theme 04:45 (-> 04:45)  
2. Andante energico 02:31 (-> 07:16)  
3. Allegro sostenuto, ma con brio 02:13 (-> 09:29)  
4. Adagio pesante 02:23 (-> 11:52)  
5. Allegro precipitato, ma non troppo presto 02:51 (-> 14:43)  
6. Andantino 04:05 (-> 18:48)