Serge Prokofiev pouvait écrire avec la sauvagerie du tonnerre et des éclairs, ou avec la bénignité de la lumière du soleil d'automne. C'est dans cette dernière veine que s'inscrit sa Sonate pour pour flûte et piano en ré majeur, Op. 94. Sergei Prokofjew commença de la composer à Almaty (appelée Alma-Ata pendant la période soviétique) à la frontière du Turkestan oriental. L'oeuvre est d'un lyrisme serein, sans le sarcasme des premiers Prokofiev, sans la mélancolie et le chagrin d'amour qui s'insinueront plus tard dans sa musique. Il s'y affirme comme l'un des plus grands mélodistes. L'oeuvre fut donnée en première audition à Moscou le 7 décembre 1943 avec Nikolai Charkovsky à la flûte et Svjatoslaw Richter au piano. Elle plut tellement à David Oistrach qu'il demanda à Prokofjew de la transcrire pour violon, ce que le compositeur et le violoniste firent ensemble. David Oistrach et Lev Oborin en donnèrent la première audition le 17 juillet 1944, à Moscou.
Le premier mouvement (Andantino dans la version originale pour flûte, Moderato dans l'édition pour violon), de forme sonate, présente deux thèmes lyriques dans l'exposition. La section du développement s'ouvre sur un nouveau thème, précis sur le plan rythmique, auquel se joignent des portions des thèmes de l'exposition traitées avec plus d'intensité et d'accompagnement rythmique. La récapitulation et la coda reviennent à l'esprit de l'exposition.
Le deuxième mouvement (Allegretto scherzando dans la version originale pour flûte, Scherzo dans l'édition pour violon), un rondo, commence par un premier thème espiègle et enjoué, passe à un deuxième thème jovial, revient au premier thème, puis ralentit pour une section médiane qui est un mélange de lyrisme et d'éclats soudains. Les premier et deuxième thèmes reviennent, et une coda juxtaposant les deux idées conclut le mouvement.
Le génie mélodique de Prokofjew brille dans le troisième mouvement (Andante). La simplicité expressive de la première section est suivie d'une partie centrale dominée par des altérations chromatiques en triolets entre la flûte et le piano. La figuration en triolets se poursuit dans la partie de flûte, tandis que le piano réintroduit le thème d'ouverture, et le mouvement s'achève sur une conclusion douce et tranquille.
En contraste dramatique, le finale (Allegro con brio) éclate avec un premier thème dans le style robuste de la symphonie classique et de l'opéra „L'amour des trois oranges“. Le deuxième thème contient deux idées - un exercice de pseudo-Czerny et des arpèges en flèche. Après une nouvelle expansion des premier et deuxième thèmes, un nouveau thème lyrique apparaît, dont l'intensité et la profondeur ont rarement été égalées dans le répertoire de la flûte. L'élan des premier et deuxième thèmes revient pour culminer dans une conclusion virtuose.
Dans cette splendide archive du «Sender Freies Berlin», une prise de son datant du 7 avril 1970, la Sonate pour flûte et piano en ré majeur op. 94, de Sergei PROKOFJEW est interprétée par Aurèle NICOLET à la flûte et Karl ENGEL au piano: