Robert Schumann écrivit ce concerto en automne 1853 - il s'agit de sa dernière oeuvre orchestrale. Il le composa sur l'initiative de Joseph Joachim, mais qui - au cours des répétitions dérouté par ce concerto difficile - le trouva toutefois “trop ingrat“ pour l'exécutant et renonça à le donner en première audition. Au décès de Schumann, Joachim - qui en possèdait la partition manuscrite et ses droits - renonça à publier l'oeuvre, avec l'assentiment de Clara Schumann. L'oeuvre tomba dans un oubli total dont elle ne fut ressortie que 84 ans plus tard: Paul Hindemith réalisa (anonymement, car à cette époque, il était déjà en disgrâce auprès du pouvoir en place) un arrangement de la partie de violon, qui fut utilisé lors de la première audition du 26 novembre 1937, organisée à grand renfort de propagande, avec Georg Kulenkampff en soliste et l'Orchestre Philharmonique de Berlin sous la direction de Karl Böhm à l'Opéra de Berlin-Charlottenburg - à l'occasion de la réunion annuelle commune de la «Reichskulturkammer» et de la communauté nazie «Kraft durch Freude». À peine un mois plus tard Georg Kulenkampff l'enregistra pour le disque (Telefunken), avec le même orchestre, mais sous la direction de Hans SCHMIDT-ISSERSTEDT - voir cette page de mon site.
"[...] Le premier mouvement, donnant l’impression d’un requiem, représente l’une des compositions les plus tragiques de la musique et montre l’incroyable force créatrice du maître. Deux niveaux de style s’y affrontent. D’un côté, le premier thème contenant des éléments baroques, de l’autre, le thème secondaire romantique et poétique. Schumann oppose des monologues en solo, en bloc, aux parties orchestrales en forme de ritournelles. Étant donné son état psychique, on peut penser que le compositeur trouve, dans ce mouvement, une expression musicale décrivant sa propre solitude intérieure et ses tentatives pour se protéger d’un monde plein de blessures et de défaites, la retraite vis-à-vis de son épouse et du monde des vivants.
Il essaie pourtant de lutter contre le crépuscule, contre l’obscurité croissante. Le brouillard qui enveloppe tout, est, depuis le XVIIIe siècle, le symbole de l’éloignement de Dieu ou de la mélancolie ou bien aussi le symbole de la mort. Dans le tableau de Caspar David FRIEDRICH „Le voyageur au-dessus de la mer de nuages“, ce dernier a réussi à franchir la barrière de nuages. Il regarde vers les lointains sommets et au-delà des chaînes vers des régions éthérées où il trouve la paix tant désirée.
De même Robert Schumann a laissé derrière lui les nuages de brouillard. De l’espace infini lui parvient une mélodie, un thème pour soliste, qui ressemble beaucoup par ses deux parties au fameux thème «des esprits ou des anges», des variations pour piano en mi bémol majeur, composé ultérieurement et étant les ultimes pensées musicales du compositeur avant sa tentative de suicide. Un signe d’un monde surnaturel, tout léger, prudent et réservé ne voulant pas troubler la paix, le violon commence son dialogue avec l’orchestre, réduit presque exclusivement aux cordes.
À la fin du deuxième mouvement, on assiste à une accélération avec accelerando, crescendo et à nouveau à un enrichissement instrumental de l’orchestre qui aboutit à un rondo final ayant le caractère d’une polonaise.
Comme le deuxième mouvement, composé en si majeur, le mouvement final est aussi dans la variante majeure de la tonalité principale. Si l’on analyse les œuvres de Schumann, composées en ré majeur, en se référant aux caractéristiques des tonalités, on peut leur attribuer les qualités suivantes : fraîches, gaies, vertes (symbolisant le printemps), juvéniles, parfois aussi solennelles et héroïques. Pressentant sa fin prochaine, Schumann organise la vie après sa mort : en souvenir de lui, on jouera une polonaise. Schumann est prêt à accepter son destin, tous ses regrets ont disparu, car il vivra par sa musique. [...]" cité des notes de Thomas Albertus IRNBERGER (traduites par Nadine INNERHOFER) publiées en 2009 dans le livret du CD Gramola 98834.
Henryk SZERYNG interpréta cette oeuvre le 8 mars 1957 accompagné par le Grand Orchestre de la Südwestfunk sous la direction de Hans ROSBAUD. C'est - à ma connaissance - l'enregistrement le plus ancien d'Henryk Szeryng dans ce concerto.
On connait un bon nombre d'enregistrements de cette oeuvre avec Henryk Szeryng:
* Victor Desarzens, Orchestre de Chambre de Lausanne 1960/12/5
* Charles Munch, Boston Symphony Orchestra 1961/3/4
* Antal Dorati, London Symphony Orchestra 1964/7
sur CD at Mercury Living Presence, Catalog #: 434339, la version officielle
* Serge Baudo, Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire 1965/11/12
* Rudolf Kempe, Orchestra Sinfonica di Milano della Rai 1971/2/5
* Ernest Bour, Sinfonieorchester des Südwestfunks Baden-Baden 1971/2/18
* Rafael Kubelik, Berliner Philharmoniker 1972/2/8-9
* Ogan Durjan' Narc, Sinfonieorchester des Bayerischen Rundfunks 1980/1/10-11
Cette liste n'est pas exhaustive, elle ne contient que les enregistrements plus ou moins officiellement connus ou publiés - il y a certainement encore bien d'autres enregistrements qui dorment dans les archives de diverses radios...
Robert Schumann, Concerto pour violon en ré mineur, WoO 23, Henryk Szeryng, Grand Orchestre de la Suedwestfunk, Hans Rosbaud, 8 mars 1957, Studio 5 de la Suedwestfunk à Baden-Baden
1. In kraeftigem, nicht zu schnellem Tempo 13:19
2. Langsam -> 06:15
3. Lebhaft, doch nicht schnell 15:52
Pour une courte présentation de cette oeuvre, voir cette page de mon site.
Le Grand Orchestre de la Suedwestfunk est ici dirigé par son chef titulaire de l'époque, Hans ROSBAUD, une prise de son datant du 8 septembre 1960 faite dans le Studio 5 de la Suedwestfunk à Baden-Baden:
1. Andante un poco maestoso - Allegro molto vivace 12:03 (-> 12:03)
2. Larghetto - attaca 06:36 (-> 18:39)
3. Scherzo. Molto vivace 06:21 (-> 25:00)
4. Allegro animato e grazioso 07:34 (-> 32:34)