Georg Philipp TELEMANN
Concerto en ré majeur pour flûte,
orchestre à cordes et continuo, TWV 51:D1
Jean-Pierre RAMPAL, flûte
Continuo: Betty HINDRICHS, violoncelle,
Günter KARAU, clavecin
Orchestre de Chambre de la Sarre
Karl RISTENPART
29 novembre 1964
Fraulautern Minte (Sarre)
Deux Concerti de Jean-Sebastien Bach et deux Concerti de Georg-Philipp Telemann, interprétés par le même instrument en soliste: une flûte.
Le Concerto en ré majeur pour flûte traversière TWV 51:D1 fait partie des grandes compositions typiques de Telemann pour cet instrument soliste. La pièce est en quatre mouvements, la structure formelle privilégiée par le compositeur pour toute sa production de concertos. Dans les sections rapides particulièrement, les éléments concertants font l'objet d'un jeu techniquement et formellement complexe. Il y a dans cette oeuvre splendide une inspiration pré-classique; elle s’exprime surtout dans la grâce chaloupée du premier mouvement, qui déroule sa ritournelle suave et les solos de flûte avec une fausse simplicité. Les mouvements rapides, qui ont plus d’un élément en commun, semblent renouer avec le style fugué strict; mais que ce soit dans la verve du Vivace ou dans la légèreté dansante de l’Allegro final, on sent qu’un éclairage galant teinte de grâce et d’amabilité un contrepoint qui a perdu la sévérité qu’il aurait eu une génération plus tôt. La facilité de la partie de flûte n’est qu’apparente; et malgré la parfaite adéquation de la tonalité de ré majeur à la flûte baroque à une clé, Telemann tend des pièges inhabituellement retors à l’instrumentiste: intervalles spectaculaires dans les passages virtuoses, ornements chromatiques surprenants, téméraires, et très expressifs.
Le deuxième mouvement (Vivace) est travaillé avec des ritournelles fuguées; le thème et ses deux contrepoints subissent au cours du mouvement toutes les permutations possibles dans un triple contrepoint - un modèle d'écriture contrapuntique «pointue». De plus, dans la ritournelle introductive, les cordes en trémolo présentent un groupe motival homophone qui dramatise efficacement le tissu polyphonique - une idée «énergique» d'une originalité efficace. La flûte soliste se présente avec son propre thème et ses figures particulières. À partir de ces éléments, Telemann élabore une dramaturgie attachante, aux nombreuses facettes. Dans le déroulement de celle-ci, les thèmes de la flûte soliste et de la ritournelle sont opposés dans des jeux d'alternances aux mailles serrées - mais la flûte est également intégrée dans la trame polyphonique de la ritournelle et il lui reste, en prime, assez d'espace pour déployer sa virtuosité en soliste. Dans la section conclusive (Allegro), Telemann recompose encore une fois cette idée structurelle en mouvement accéléré et dans l'écriture d'une gigue.
Le troisième mouvement (Largo, si mineur) est d'une nature toute particulière: l'écriture en accords en est totalement absente. Les cordes à l'unisson jouent un thème de basse complexe sur lequel le soliste déploie des variations mélodiques - cette réduction des sonorités nous offre une musique très sévère, empreinte d'une infinie tristesse. Des mouvements comme celui-ci devraient nous inciter à remettre en question l'image traditionnelle d'un Telemann au tempérament sanguin, plein d'humour, toujours de bonne humeur. De fait, un observateur contemporain fait mention des crises de mélancolie du compositeur (occasionnées par la mort prématurée de son père).
Sources: les notes de Wolfgang Hirschmann, Traduction: Sophie Liwszyc, publiées en 2010 dans le livret du CD cpo 777 401-2 et les notes d'Alexis Kossenko publiées en 2014 dans le livret du CD Alpha 200.
Terminant ce disque: le Concerto en ré majeur pour flûte, orchestre à cordes et continuo, TWV 51:D1, de Georg Philip TELEMANN, Karl RISTENPART dirigeant son Orchestre de Chambre de la Sarre (Continuo: Betty Hindrichs, violoncelle, Günter Karau, clavecin), avec Jean Pierre RAMPAL en soliste - une prise de son faite le 29 novembre 1964 dans la «Fraulautern Minte» (Sarre):