Wolfgang Amadeus MOZART
Concerto pour flûte et harpe en ut majeur, KV 299
Lily LASKINE, harpe, Roger BOURDIN, flûte
Orchestre du Théâtre des Champs Elysées
Hermann SCHERCHEN
28 octobre 1953
Vers la fin du mois de mars 1778 Mozart et sa mère arrivèrent à Paris, c'était leur deuxième séjour dans cette ville. Une des oeuvres qui lui fut commandée à cette occasion est ce concerto pour flûte et harpe: Adrien-Louis Bonnières de Souastre, duc de Guisnes, un bon flûtiste amateur, souhaitait avoir une oeuvre pouvant être jouée avec sa fille, une excellente harpiste (et à laquelle Mozart enseignait la composition). Mozart avait une haute estime pour les deux: "[...] Je crois vous avoir déjà écrit dans ma dernière lettre que le duc de Guines joue incomparablement de la flûte [...]" cité d'une lettre de Mozart à son père, Paris, 14 mai 1778. Sur la fille du Duc, Mozart note encore à l’adresse de son père: "[...] elle a un grand talent, du génie et surtout une mémoire incomparable: elle joue tous les morceaux par coeur et en connaît certainement deux cent [...]". Sa correspondance montre toutefois un changement d'opinion assez rapide, et il s'avéra en plus que le Duc était très mauvais payeur...
Afin de satisfaire aux goûts du duc, Mozart avait composé ce concerto dans le style galant qui était à la mode; cette combinaison de la flûte et de la harpe en soliste était à cette époque en plus unique. L'oeuvre est donc certes mondaine, mais pleine de gaîté et de charme, et où ne transparaît pas le peu d’attrait que Mozart avait pour les deux instruments solistes.
"[...] Ce concerto est en tout cas l’une des oeuvres les plus typiques de l’ingéniosité de Mozart en matière de composition. Prévoyant que la double exposition des thèmes (à l'orchestre, puis aux solistes) risquait de les fatiguer, d’en user l’intérêt, il introduit, chaque fois qu’il le peut, des mélodies neuves. Et déjà chacun des thèmes principaux est lui-même formé d’une succession d’idées particulières qui pourront être utilisées isolément en gardant leur fonction de ritournelle-refrain. Ainsi, dans le premier Allegro, Mozart dispose de cinq ritournelles différentes. Les solistes, de leur côté, ne se contentent pas d’énoncer à leur tour les deux thèmes principaux; ils en introduisent un troisième (qui est peut-être le plus expressif, le plus significatif de tout ce mouvement), et un quatrième encore, employé dans le seul développement central. Toujours conscient de ses effets, Mozart ne manquera pas de ramener le touchant 3e thème, quoique secondaire, dans la récapitulation au ton principal.
De même, dans le tendre Andantino, aux deux phrases essentielles s’opposeront, en cours de développement, deux motifs nouveaux, l’un aux cordes, l’autre aux solistes.
Le Rondo-final, au refrain de gavotte, est l’une des plus minutieuses mosaïques de thèmes élaborées par Mozart. À lui seul le refrain groupe trois idées distinctes. La période thématique suivante en ajoute quatre autres; les entrées des solistes n’en apporteront pas moins de cinq, qui sont neuves, et dans les épisodes cadentiels deux idées supplémentaires au moins sont introduites. Ce qui nous donne, pour ce rondo si vivant et si gai, un total assez ahurissant de quatorze idées mélodiques. Quelle leçon se dégage de ce kaléidoscope chantant, propre à affoler l’analyse? Celle-ci sans doute: chez Mozart, et même dans des oeuvres qui ne sont pas les plus hautes ou les plus originales, l’élément premier de la composition musicale, c’est une incroyable générosité mélodique. Qu’il s’agisse d’un thème principal, d’un «pont», d'un «groupe de cadence», ou même souvent d’un développement, Mozart préférera toujours un chant nouveau à une élaboration, qui pourrait sembler scolaire, des matériaux déjà fournis. Quitte à varier indéfiniment la présentation de chaque mélodie: air accompagné, trait de virtuosité, dialogue, contrepoint en imitations ou en canon, etc. Dans le final du Concerto pour flûte et harpe, la forme habituelle du Rondo finit par disparaître derrière un véritable défilé de personnages mélodiques; défilé capable de faire pâlir d’envie un grand couturier ou un metteur en scène américain. [...]" cité des notes d'Olivier ALAIN publiées au verso de la pochette du disque Erato STE 50175
Le 28 octobre 1953 à Paris, Hermann SCHERCHEN enregistra cette oeuvre avec l'Orchestre du Théâtre des Champs-Élysées, la harpiste Lily LASKINE et le flûtiste Roger BOURDIN: