La Petite suite pour orchestre, opus 39, fut écrite pour Walther Straram et son orchestre, qui la donnèrent en première audition le 11 avril 1929. Elle ne comportait alors que deux mouvements, Aubade et Mascarade - la Pastorale fut ajoutée ultérieurement (la première audition de l'oeuvre complète fut donnée le 6 février 1930, au Théâtre des Champs-Élysées, Concerts Straram). C'est l'une des oeuvres les plus tardives du compositeur, elle regorge d'une profusion d'idées tendues et vivantes. De toute évidence, Roussel avait à l'esprit des évocations des Fêtes Galantes des peintres du XVIIIe siècle, Watteau et Fragonard. Cependant, ces pièces n'ont rien d'artificiellement stylisé. L'esprit de ces peintres a été ravivé dans l'Aubade avec son ironie, l'élégante sentimentalité de la Pastorale et l'endiablée Mascarade. La musique, quant à elle, est typique du compositeur.
L’AUBADE ouvre l’oeuvre avec un brio éclatant du à l’efficacité rythmique d’un ostinato original auquel se superpose une mélodie énoncée par la trompette. La superposition se poursuit à travers un traitement polytonal. Nous retrouvons là deux caractéristiques majeures du langage du compositeur. Avec son accompagnement de guitare, elle suggère immédiatement une chanson de cour matinale, et l'écriture ingénieuse pour les bois, au fur et à mesure que ce thème se développe, est un morceau d'inspiration vivante.
La rêveuse PASTORALE, avec sa longue et sinueuse mélodie de hautbois, reprise plus tard à la trompette, est un morceau beaucoup plus romantique, une page mélancolique entre deux divertissements enjoués. Ce mouvement est délicatement instrumenté, avec des solos de bois contrastés qui sont mis en relief sur un fond de cordes. Le bref milieu, un peu plus animé, évoque même Brahms par la soudaine flambée de passion de ses somptueuses harmonies de cordes.
La MASCARADE, proche de l’esprit d’un scherzo - avec une trompette en sourdine audacieusement mise en avant au cours de dialogues vivaces avec les bois et les percussions - va encore plus loin dans l’ironie et la légereté. Elle surpasse encore l'Aubade en ironie raffinée et pittoresque, grâce notamment, à l’emploi de la percussion, avec tambourin et castagnettes. Ce bref mouvement est bâti en forme d’arche, s’accélérant graduellement jusqu’à la bonne humeur exubérante de son Allegro vivace médian, pour refluer ensuite vers le tempo initial et s’éteindre doucement sur une dissonance non résolue.
Avec l'Orchestre Lamoureux, Paul SACHER enregistra ce disque entièrement consacré à Albert ROUSSEL du 20 au 22 septembre 1954, dans la Salle Apollo de Paris. Publié sur Philips A 00.251 L, il fut peu après réédité sur ce disque EPIC-LC-3129, dont provient cette restauration.
Albert Roussel, Petite Suite pour orchestre, op. 39, Orchestre Lamoureux, Paul Sacher, 20 au 22 septembre 1954, Salle Apollo, Paris