Othmar SCHOECK
Concerto pour violon op. 21, „Quasi una fantasia“
Stefi GEYER, violon
Orchestre de la «Tonhalle» de Zurich
Volkmar ANDREAE
1948
Othmar SCHOECK est avant tout connu pour son très importante - et imposante - oeuvre vocale. "[...] Écrits tout au long de sa vie, ses lieder avec piano et ses grands cycles de lieder avec orchestre, comme „Elegie“ et „Lebendig begraben“ («Enterré vivant»), en font quelqu’un qui est parvenu à dire quelque chose de nouveau et d’expressivement riche, tout en développant les traditions d’écriture établies par Hugo Wolf et Richard Strauss. Ses opéras, tels „Venus“ (1919–21), „Penthesilea“ (1923–5), et „Massimilla Doni“ (1934–6), sont également admirés, quoique rarement joués. Une oeuvre comme „Penthesilea“ le montre capable d’exprimer les choses d’une manière radicale, voire violente, à des lieues du lyrisme de ses lieder. Toutefois, il écrivit peu pour orchestre seul, sans voix: essentiellement des pièces de circonstance, où figurent cependant un concerto tardif pour violoncelle et un autre pour cor, chacun accompagné d’un orchestre à cordes. [...]"
Le Concerto pour violon et orchestre en si bémol majeur, op. 21, sous-titré „Quasi una fantasia“, est l'une de ses plus importantes oeuvres orchestrales. C’est aussi le plus impressionnant monument célébrant son engouement pour la violoniste hongroise Stefi GEYER (1888–1956), rencontrée pour la première fois à Leipzig en 1907, alors qu’il étudiait encore avec Max Reger. Pendant cinq ans, il la poursuivit dans différentes villes d’Europe, avec insistance mais, pour autant que l’on sache, avec un succès exclusivement platonique.
En 1908-1909, Othmar Schoeck lui dédia une sonate pour violon et piano, qu’elle ne joua toutefois pas. En 1910, il passa une heureuse semaine avec elle à Budapest (sa ville natale), à l’issue de laquelle il entreprit de composer ce Concerto en son honneur. Là encore, le destin voulut qu’elle n’en assurât pas la première - mais elle le joua et finit même par l’enregistrer.
Février 1912, Berlin: l'oeuvre fut donnée en première audition dans une version pour violon et piano, avec le compositeur au clavier et Willem de BOER au violon, qui était à cette époque premier pupitre de l’Orchestre de la Tonhalle de Zurich. De BOER fut également le soliste de la première orchestrale, donnée moins d’un mois plus tard à Berne avec l’Orchestre symphonique de la ville placé sous la baguette d’un ami de Schoeck, le compositeur et chef d’orchestre Fritz BRUN, et de la première zurichoise, la semaine suivante, sous la direction de Volkmar ANDREAE.
"[...] À ce moment de sa carrière, Schoeck était encore relativement inexpérimenté dans la création de formes abstraites à grande échelle; son concerto lui posa d’énormes problèmes et le laissa insatisfait - un mécontentement qu’il masqua en partie derrière un sous-titre («quasi una fantasia») visant peut-être à faire oublier une apparente absence de cohésion globale. Néanmoins, la passion lyrique et le charme de ses idées valent à cette oeuvre une place de choix parmi les concertos pour violon écrits juste avant la Première Guerre Mondiale. À l’évidence, Schoeck prit pour modèles les grands concertos romantiques du XIXe siècle tardif (ceux de Brahms, Bruch et peut-être Dvořák; à voir la chaleureuse harmonie chromatique de son oeuvre, il est fort probable qu’il étudia aussi le beau concerto de son ancien professeur Max Reger), mais il sut instiller dans ses idées un parfum bien à lui. Fait intéressant, il n’écrivit pas de cadenza, plus soucieux qu’il fut, dirait-on, de créer une impression d’activité homogène, mais souvent rhapsodique, où le violoniste est constamment occupé, presque de la première à la dernière mesure.
Le Concerto démarre brusquement, in medias res, avec des cors carillonnants et une figuration violonistique animée, babillarde, associée, semble-t-il, à des hirondelles voletant dans le soleil couchant, près d’un haut toit (réminiscence possible du temps où Schoeck occupait un appartement au dernier étage d’un chalet de Zurich, avec vue sur toute la ville). Puis, presque immédiatement, le soliste énonce non pas un mais deux thèmes au long souffle, intensément lyriques, qui seront au coeur du mouvement. Un troisième thème plus vigoureux, avec un soupçon de fanfare, complète le tableau mélodique et la figuration du «vol des hirondelles» mène au développement, conçu de manière moins logique que librement associative: le soliste reste au centre de l’attention et reprend une idée, puis une autre, en les variant toujours. Une réexposition libre s’accélère vers la coda, où l’élan se dissipe, et la musique paraît sombrer en un rêve nostalgique, extasié.
Le mouvement lent, Grave, non troppo lento, s’ouvre sur de sinistres coups de baguettes et un thème caverneux, oppressant, aux bois, une ouverture à laquelle le violon répond dans une veine plus lyrique, porteuse d’espoir, en poursuivant le développement des idées entendues pour la première fois dans le mouvement précédent. Malgré la beauté et la passion grandissante de l’écriture violonistique, avec un thème éloquemment «évocateur» dans la section centrale du mouvement, les ténèbres orchestrales ne sont pas totalement dissipées. On retrouve de vastes pans de rêverie romantique puis le climat s’éclaircit avec l’apparition inopinée d’une idée pastorale, aux bois, qui s’avérera être le thème principal du finale.
Le finale démarre Allegro con spirito avec le thème pastoral travesti en une danse vivace, et c’est comme si Schoeck avait voulu écrire un finale enjoué, de type rondo; mais avant, de longues réminiscences thématiques et une nostalgie romantique sont de nouveau à l’ordre du jour et la musique s’enfonce toujours plus dans une songerie douce-amère renfermant parmi les plus belles pages de l’oeuvre. La musique de danse va et vient, mais la rêverie mélancolique aussi: on pense que le concerto va disparaître dans une lueur crépusculaire quand, à la toute dernière minute, Schoeck glisse en un nouveau thème pince-sans-rire, folklorisant, qui ravigote avec une pointe d’humour ironique bienvenue. [...]" cité des notes de Calum MACDONALD publiées en 2013 dans le livret du CD Hyperion CDA67940.
Volkmar ANDREAE enregistra le Concerto pour violon et orchestre en si bémol majeur, op. 21, „Quasi una fantasia“ d'Othmar SCHOECK en 1948, dirigeant l'Orchestre de la «Tonhalle» de Zurich, dont il fut le chef titulaire de 1906 à 1949 - une superbe archive de la Radio Télévision Suisse SRG SSR. La soliste était Stefi GEYER, à qui l'oeuvre fut dédiée.
Comme pour toutes les oeuvres d'Othmar SCHOECK, je ne peux - pour le moment - vous proposer cet enregistrement qu'en écoute - par l'intermédiaire d'un iframe embarqué du splendide site neo.mx3.ch - plus particulièrement de cette page - ses oeuvres ne tombant dans le domaine publique qu'en 2028.
Othmar Schoeck, Concerto pour violon et orchestre en si bémol majeur, op. 21, „Quasi una fantasia“, Stefi Geyer, violon, Orchestre de la «
Tonhalle» de Zurich, Volkmar Andreae, 1948
1. Allegretto (-> 13:07), 2. Grave, non troppo lento (-> 24:04), 3. Allegro con spirito (-> 33:29)
Provenance: Radiodiffusion, de cette page du site neo.mx3.ch, une écoute rendue possible grâce à la générosité de la SRG SSR, autorisant d'embarquer cette archive en iframe.