Écrite entre 1885 et 1886, l'oeuvre est nettement influencée par la passion qu'avait le jeune Richard Strauss pour les compositions de Johannes Brahms. Il qualifia lui-même son oeuvre comme étant le résultat de sa «damaligen Brahmsschwärmerei (unter Bülows suggestivem Einfluss)»
(Schuh, Willi (Ed.): «Richard Strauss, Betrachtungen und Erinnerungen», Zürich 1981, page 207).
L'oeuvre porta d'abord un autre nom: "[...] Das neben Konzeptionen wie Wandrers Sturmlied TrV 131 und vor einer (nur skizzierten) Rhapsodie cis-Moll entstandene Werk sollte ursprünglich als ›Scherzo‹ betitelt werden, in dessen typischem ganztaktigem Allegro-Vivace-Tempo es verläuft. Doch wurde der Titel vermutlich schon deshalb verworfen, weil das Stück nicht die für diese Gattung übliche A-B-A-Form mit Trio als Mittelteil, sondern die für Konzertsätze übliche Sonatenhauptsatzform mit Ritornell-Solowechsel aufweist, die streckenweise von Rondostrukturen überlagert wird (Struck 1995, 278 f.) [...]"
cité du «Richard Strauss Handbuch», édition de Walter Werbeck, page 449
Son „Scherzo“ était à l'origine dédié au pianiste et chef d'orchestre Hans von Bülow - auprès duquel Richard Strauss étudiait la direction d'orchestre -, et qui l'avait engagé en 1885 comme assistant de son orchestre de Meiningen. Hans von Bülow refusa toutefois catégoriquement de la jouer, prétextant d'une trop grande difficulté technique: "[...] Jeden Takt eine andere Handstellung – glauben Sie, ich setze mich vier Wochen hin, um so ein widerhaariges Stück zu studieren? [...]"
cité d'après Ernst Krause: Richard Strauss. Piper, München 1988, ISBN 3-492-10851-2, page 40.
Bien conscient que l'oeuvre était pour le soliste «unmenschlich schwer», Richard Strauss fut toutefois extrêmement consterné par le refus de Hans von Bülow. Le compositeur joua certes quand-même son Scherzo avec l'orchestre de Meiningen - interprétant lui-même la partie de piano tout en dirigeant -, mais il le mit ensuite de côté, l'oubliant pendant quelques années. En 1889, il fit la connaissance du jeune pianiste Eugen d'Albert, qui se montra intéressé par l'oeuvre et lui suggéra quelques modifications de la partie pianistique: Richard Strauss revisa alors son Scherzo et c'est sous son nouveau nom de «Burlesque» qu'il le donna en première audition le 21 juin 1890 au festival de musique d'Eisenach («Eisenacher Tonkünstlerfest des Allgemeinen Deutschen Musikvereins»), avec son nouveau dédicataire - Eugen d'Albert - en soliste. Dans le même concert, il dirigea la première audition de son poème symphonique «Mort et Transfiguration».
Mais ayant entretemps considérablement modifié son style, Richard Strauss se distança de son Burleske, s'excusant presque de l'avoir composé: «über das ich weit hinaus bin und für das ich nicht mehr mit voller Überzeugung einstehen kann»
(entretien ou correspondance avec le compositeur et violoniste Alexander Ritter). Il ne la dirigera plus que «immer äußerst lieblos»
cité du «Richard Strauss Handbuch», édition de Walter Werbeck, page 451. L'oeuvre fut publiée en 1894 chez Steingräber (Leipzig), mais Richard Strauss ne lui donna pas de numéro d'opus. C'est certainement à cause de cette négation du compositeur que l'oeuvre ne fut d'abord que très peu jouée: ce n'est que vers la fin du 20e siècle qu'elle apparaît au répertoire de nombreux pianistes - depuis elle fait partie du répertoire standard des virtuoses.
Pour plus de détails voir par exemple cette page en allemand du site de Verena Großkreutz, un texte rédigé en 2009 pour un concert à la «Komische Oper Berlin».
Concerts burlesques, extrait d'une estampe de Jean de Saint-Igny, env. 1600 (Source: Bibliothèque Nationale de France)
Une courte description citée du texte de Michel Stockhem publié dans la brochure du CD FUG546 de FugaLibera:
"[...] Écrit à l’origine pour le «petit» orchestre de Meiningen, Burleske n’implique qu’un effectif raisonnable: bois par deux et deux trompettes. En vedette, l’unique percussionniste dispose de quatre timbales, qui vont en solo commencer et achever l’oeuvre et y jouer un rôle essentiel. Oeuvre spirituelle, Burleske est un tableau de lutte entre thèmes tour à tour rythmiques et lyriques. L’influence de Brahms, souvent relevée, paraît somme toute assez limitée, et concentrée sur les entrelacs binaire/ternaire; la forme, hybride, tient du scherzo et de la forme-sonate.
Le premier thème en ré mineur, entamé aux timbales, est transformé dans le premier tutti orchestral et servira de base, plus tard, aux moments les plus lyriques de la partition. Il recèle également (2e mesure) la tête du deuxième thème, exposé en fa majeur (lettre D) par le piano seul. Là, sans qu’aucun changement de mesure n’intervienne, on passe d’un ternaire chahuté, furieux et échevelé, à une valse tranquille exposée au piano seul; elle se met à tournoyer une fois reprise à l’orchestre, et l’on se met à penser, moins à „Till Eulenspiegel“ ou à tel épisode incongru d’„Ainsi parlait Zarathoustra“, qu’à „Rosenkavalier“ distant de vingt ans. Cette valse se prête à des développements capricieux culminant dans un retour à l’atmosphère furieuse du début.
Le piano enchaîne alors par un thème secondaire en la mineur, de nouveau exposé en solo et repris par l’orchestre en un climax assourdissant. C’est le moment choisi pour énoncer l’élément le plus lyrique, le plus cajoleur de la partition: dans une nouvelle séquence piano solo/piano orchestre, un motif du premier thème réapparaît en la bémol mineur (aux antipodes du ton original), nimbé d’une poésie dont semble presque s’être souvenu le Leonard Bernstein de West Side Story.
À mi-chemin, presque, de l’oeuvre, Strauss estime qu’il est temps de passer au développement. On perçoit quelques relents de scolastique juvénile, peut-être, dans ce grand déploiement orchestral, mais aussi un beau souffle, s'éteignant brusquement dans une transition rêveuse, dialoguée entre piano et timbales, vers la réexposition. Celle-ci est loin d’être abrégée – on le reprochera souvent au compositeur –: d’innombrables détails et modulations viennent lui donner de nouvelles saveurs. Une grande cadence attend alors le soliste. Elle ouvre au retour du thème amoureux, subtilisé au développement par la coda qui peut dès lors déployer ses beautés magiques – non plus en la bémol mineur, mais en ré mineur. Le rythme de valse s’immisce subrepticement; tout se met à tournoyer, mais cette fois dans une indicible nostalgie. Un grand trait final, brusquement rageur, s’éteint dans une pirouette poétique: un feu-follet, caressé par de derniers coups de timbales, vient nous dire que tout „Burleske" n’était qu’un rêve: burlesque, si l’on veut, mais au sens romantique que l’on pouvait donner au mot „Fantasie“. [...]"
Dean Dixon et l'Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise en 1957
une photo citée de «1949-1999 - 50 Jahre Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks», page 94
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L'interprétation qui vous en est proposée ici date du 11 ou 12 avril 1957: Dean DIXON - déjà très bien connu et apprécié en Europe - donnait pour la première fois un concert avec l'Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise, dans la salle Herkules de la Résidence de Münich. Au programme:
➤
Johannes Brahms, Ouverture tragique Op. 81
➤
Ludwig van Beethoven, Concerto pour piano No 1
➤
Richard Strauss, Burleske pour piano et orchestre
➤
Jean Sibelius, Symphonie No 5
Le soliste était Claudio ARRAU (portrait à gauche).
Les commentaires de la presse furent élogieux pour Dean Dixon, par exemple celui de Karl Schumann dans la Süddeutsche Zeitung du 15 avril suivant:
"[...] Dieser bezwingenden Musiker [...] verköppert Geist und Praxis des Dirigierens wie nicht viele seiner weissen Kollegen; sein Münchner Debüt [...] wies ihn als Eingeweihten aus, als eine künstlerische Potenz oberhalb des Sensationellen, als eine respektable Grösse auf dem stark gelichteten Feld der tonangebenden Kapellmeister. [...]"
Voici donc...
Richard Strauss, Burlesque (Burleske) en ré mineur, AV 85, TrV 145, Claudio Arrau, Klavier, Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, Dean Dixon, 11/12 avril 1957
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Allegro vivace
Le jeune Richard Strauss en 1888, photographe ??, origine exacte de ce portrait inconnue
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